Dix-sept longues années de bataille syndicale et de procédure en justice et, au bout, la consécration dans le droit du harcèlement moral institutionnel. La Cour de cassation a mis, mardi 21 janvier, un point final à « l’affaire des suicides de France Télécom » et jugé définitivement les funestes conséquences du plan Next de suppressions de 22 000 postes et de « mobilité » de 10 000 autres (sur un effectif global de 120 000 employés), mis en œuvre entre 2006 et 2008 par les dirigeants de l’entreprise fraîchement privatisée. Un plan qui avait conduit à 39 cas de souffrance devant le tribunal en 2022, dont 19 cas de suicides et 12 tentatives.
Des peines allégées
La Cour a rejeté mardi les pourvois de l’ancien patron de France Télécom, Didier Lombard, 82 ans, et son ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès, 75 ans. Ils avaient été condamnés pour harcèlement moral institutionnel le 30 septembre 2022 par la cour d’Appel de Paris à un an de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. Des peines allégées par rapport à celles prononcées en première instance en 2019 (un an de prison dont quatre mois ferme pour Didier Lombard).
Les deux dirigeants estimaient qu’ils ne pouvaient être condamnés sur le fondement de la loi définissant le harcèlement moral au travail, puisqu’ils avaient mis en place ce qu’ils considéraient comme une simple « politique d’entreprise ».
Didier Lombard avait pourtant promis en 2006 de réaliser ces départs « par la fenêtre ou par la porte ». Il avait également déclenché une polémique en parlant d’une « mode du suicide », en 2009, au plus fort de la crise.
« En connaissance de cause »
Dans son arrêt, la Cour de cassation juge à l’inverse qu’« indépendamment de toute considération sur les choix stratégiques » d’une entreprise qui ne relèvent que d’elle, « les agissements » visant à mettre en œuvre, « en connaissance de cause, une politique d’entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif, qu’il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation », peuvent caractériser une situation de harcèlement moral institutionnel.
« Jusqu’au bout ils ont fait des pieds et des mains pour expliquer qu’il ne s’agissait que d’une politique d’entreprise » alors que « c’était du harcèlement voulu comme tel, organisé comme tel », a réagi Me Claire Waquet, avocate de CFE-CGC Orange, partie civile, auprès de l’AFP. « C’est un grand arrêt », qui « consacre parmi les formes de harcèlement au travail le harcèlement institutionnel » et le « fait entrer de plain-pied dans le droit actuel », s’est réjoui auprès de l’AFP Antoine Lyon-Caen, avocat du syndicat SUD-PTT.
France Télécom est devenue le symbole de la souffrance au travail. L’entreprise, qui n’avait pas fait appel, avait été sanctionnée de l’amende maximum de 75 000 euros dans un jugement historique, devenant la première société du CAC 40 condamnée pour un harcèlement moral institutionnel.
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