L’universitaire montpelliérain William Genieys, directeur de recherche au CNRS en poste à SciencesPo Paris, est un politologue et sociologue spécialiste de la société américaine.
“La nouvelle présidence de Donald Trump annonce-t-elle l’arrivée au pouvoir “du peuple et la fin des élites corrompues”, comme il l’a prétendu durant toute sa campagne électorale ? Contredisant la rhétorique du leader populiste, une tout autre réalité : celle de l’accession au pouvoir d’une élite anti-élite.
Telle est la thèse que défendent l’universitaire montpelliérain William Genieys, directeur de recherche au CNRS en poste à SciencesPo Paris, et politologue et sociologue spécialiste de la société américaine, et Mohammad-Saïd Darviche, maître de conférences à l’Université de Montpellier, dans un travail publié sur le site The Conversation
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“Un conglomérat hyper radical”
À l’origine de ce texte, se souvient William Genieys, “une envie de travailler ce sujet quand j’ai vu les noms des premières personnes que Trump voulait nommer en arrivant au pouvoir, certains annoncés d’ailleurs pendant la campagne électorale.”
Il voit alors se dessiner “un conglomérat hyper radical”, et, partant, une gouvernance au service d’objectifs qui ne le sont pas moins : “Prenons par exemple Elon Musk. Encore plus que sa personnalité, ce qui m’inquiète vraiment c’est le job qui lui a été assigné, et qu’il va vouloir accomplir : en gros, déconstruire tout l’État, avec un statut de fonctionnaire – et il veut en réduire grandement le nombre – qui serait soumis au principe de la plus absolue loyauté politique” nous confiait-il en fin de semaine dernière, à trois jours de l’investiture du vainqueur de l’élection présidentielle.
Fidélité “au leader Maga”
Après cette date, estiment les auteurs dans leur texte, la fraction des élites républicaines “la plus loyale au leader Maga (pour “Make America Great Again”, NDLR), qui partage une commune et forte détestation des élites démocrates et de leur politique, monopolisera les pouvoirs exécutifs (l’administration), judiciaire – la Cour suprême entre autres –, et législatif, au moins jusqu’aux prochaines midterms, les élections de mi-mandat au Congrès, qui auront lieu en 2026. Leur projet politique est donc moins la remise en cause de l’élitisme en général que de l’élitisme propre aux démocraties libérales.”
“Extravagantes prises de position sur le Canada et le Groenland”
Ce qu’occultent encore un peu, estiment-ils, les déclarations les plus tonitruantes de Donald Trump depuis son élection (“les extravagantes prises de position du Président élu sur le Canada et le Groenland” observent-ils), ou celles d’Elon Musk en soutien aux partis de la droite la plus radicale, en Europe, en Italie ou au Royaume-Uni.
Une idéologie inspirée par un autre discours d’investiture, celui de Ronald Reagan pour s première présidence, où l’ex-acteur avait déclaré sans ambages que “le gouvernement n’est pas la solution à notre problème, le gouvernement est le problème”.
“Débarasser la démocratie de l’Etat profond”
À partir de là, complètent-ils, “l’élite trumpienne traduit son anti-élitisme dans un programme politique simple : débarrasser la démocratie du “deep state” (État profond) et de son corollaire un “gouvernement des initiés” subvertissant l’intérêt général”.
Un programme pour lequel Donald Trump a trouvé les hommes et femmes idoines afin de l’appliquer avec le plus de dévouement et de conviction possible. Avec Elon Musk (Tesla, X) en commissaire à l’efficacité gouvernementale et en chef de file des géants de la tech qui se sont ralliés (plus ou moins récemment) au milliardaire de Mark Zuckerberg (Meta, ex-Facebook) à Jeff Bezos (Amazon), à Peter Thiel.
Mais seul Musk intégrera l’administration Trump, où il côtoiera d’autres piliers de cette gouvernance au profil ultra-conservateur, et parfaits représentant de cette élite anti-élite.
Les “purges” souhaitées du futur directeur du FBI
MAXPPP – KEVIN DIETSCH
Et la très possible nomination de Russel Vought à la direction du bureau de la gestion du budget, organe clef du cabinet du président à la Maison Blanche, “connu pour avoir entravé la transition avec l’administration Biden en 2021, atteste des mêmes pulsions autoritaires”.
“Vers une démocratie ouvertement partiale”
Quelques exemples parmi plusieurs autres tout aussi représentatifs, tels l’antivaccin Robert Kennedy à la Santé, ou Peter Hegseth (qui fait l’objet de plusieurs scandales pour agression sexuelle et alcoolisme) à la Défense.
Et si William Genieys se refuse à évoquer un virage vers un régime dictatorial, ou fasciste, voire illibéral, il voit là une “évolution” vers ce qu’il appelle “une démocratie ouvertement partiale, au sein de laquelle les élites de gouvernement”.
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