Par Fabien Gay, directeur de l’Humanité
Et si le président démissionnait ? Cette question brûle les lèvres des éditorialistes des plateaux de télévision. Elle est même revendiquée par la France Insoumise, qui souhaite permettre à Jean-Luc Mélenchon d’être à nouveau candidat, et elle est rêvée secrètement par le Rassemblement national, pris dans l’accélération du calendrier judiciaire de l’affaire des assistants parlementaires européens. La châtelaine de Montretout veut être candidate avant d’être potentiellement frappée d’inégibilité.
Cette hypothèse, qui pourrait apparaître farfelue, ne l’est plus tout à fait depuis que le président lui-même a été obligé le 5 décembre dernier de préciser « qu’il irait au terme de son mandat ». Pourquoi répondre à une question, si elle n’est pas posée ?
C’est donc sans doute qu’une partie du capital qui l’a porté aux affaires en 2017 pense que le résident est décrédibilisé sur la scène internationale, son action démonétisée et même peut-être qu’il est en bout de course pour poursuivre sa mission : celle de servir les intérêts des forces de l’argent, en livrant la protection sociale aux intérêts privés et lucratifs, tout en réduisant à néant les conquis sociaux arrachés de haute lutte ouvrière.
Oui, le capital veut aller plus loin dans son œuvre destructrice : une nouvelle réforme des retraites, avec comme projet final la capitalisation, il veut en finir avec les 35 heures ou encore le statut de la fonction publique… Oui, en pleine crise multiforme du capitalisme, les intérêts privés veulent continuer à suraccumuler les richesses, confisquer les profits en détruisant la nature et le vivant.
Si le gouvernement Bayrou a la même durée de vie que les gouvernements Attal, voire Barnier, et se trouve incapable d’appliquer la feuille de route imposée (comprenez les « réformes ») par les marchés financiers, alors la démission du président se posera. C’est à cette aune qu’il faut comprendre l’appel à la responsabilité de l’hôte de l’Élysée… non pas pour sauver les institutions ou répondre à l’urgence sociale et climatique, mais pour sauver sa politique, et en même temps, sa personne.
Dans ce cas de figure, le danger serait grand. Une élection présidentielle anticipée, organisée en 20 à 35 jours, pourrait porter le clan Le Pen aux affaires. Après l’ordolibéralisme, le temps serait venu des politiques autoritaires et racistes pour faire de l’État le bras armé de la régression sociale, de l’atteinte aux libertés, sur fond de conservatisme. À l’instar de ce qui se passe en Italie, en Argentine, en Hongrie ou aux États-Unis.
Symbole de cette symbiose en cours entre l’extrême droite et la finance, le patron de Tesla, à la tête d’industries de la tech, utilise son réseau social X pour soutenir l’extrême droite en Europe. Nous aurions tort de banaliser ces faits, comme celui de l’utilisation des fausses informations ou des vérités « alternatives » pour orienter l’opinion publique et, in fine, le vote.
Les responsables de gauche et de l’écologie auraient également tort de n’être obsédés que par une présidentielle anticipée, comme si elle allait régler tous les problèmes. Il ne peut y avoir de projet émancipateur pour chacune et chacun, un projet de rupture avec le capitalisme en s’en remettant à une personnalité providentielle au pouvoir illimité, qui écrase tous les contre-pouvoirs, dont le Parlement, et méprise, en réalité, le vote populaire.
Il ne peut advenir une nouvelle société, sans placer en son cœur, une démocratie renouvelée pleine et active, dans la cité comme dans l’entreprise, en reposant la question de la détention des moyens de production pour décider ensemble de comment produire et consommer en répondant aux besoins humains et aux impératifs de respect de l’environnement. La perspective d’une nouvelle République est plus que jamais nécessaire et vitale.
Il ne faut pas négliger la menace immédiate et s’y préparer. Le poison de la division qui instille dégoût et haine dans les classes populaires, les petites polémiques qui nourrissent des débats stériles et putrides dont profitent les adversaires doivent cesser. Les plans de licenciement s’accumulent, les catastrophes climatiques s’enchaînent, les classes populaires s’appauvrissent. Partout où des résistances se lèvent, « l’Humanité » est à leurs côtés, pour les conforter et même les favoriser. C’est en cela que nous serons utiles pour que chacun soit prêt à anticiper les échéances futures.
Faire éclore le débat d’idées et la capacité d’action et de luttes, seuls féconds pour soulever un espoir pour changer nos vies et la société. « L’Humanité » y prendra toute sa place en 2025. Bonne année à chaque lecteur et à chaque lectrice.
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