À l’approche des repas festifs de Noël et du jour de l’An, les médias audiovisuels et certains journaux ont beaucoup insisté sur les prix bas qu’il est possible de trouver dans le cadre des promotions dans les grandes surfaces. Sans nous révéler qu’il s’agit souvent de produits importés au bilan carbone très élevé.
Dans de précédents articles, nous avons montré comment l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur prolongerait et aggraverait la sous-rémunération de nos paysans, s’il était appliqué. Il ferait également reculer la souveraineté alimentaire de la France tout en faisant croître le bilan carbone de notre assiette au quotidien, en raison des longs transports de denrées alimentaires et de la déforestation en Amazonie.
La signature de cet accord par la présidente de la Commission européenne est intervenue au moment où débutaient en France les négociations entre les grandes enseignes et leurs fournisseurs sur les volumes de produits à livrer en 2025 et sur les prix d’entrée en magasin obtenus par les fournisseurs.
Les industriels devaient envoyer leurs propositions de tarifs aux grandes enseignes avant le 1er décembre 2024 tandis que les négociations sur les prix et les volumes à livrer mois après mois en 2025 devront être terminées à la fin du mois de février. Avant même que ne débutent les discussions entre les distributeurs et leurs fournisseurs, un rapport des sénateurs Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, rendu public le 20 novembre, déplorait le recul des produits français dans les rayons des grandes surfaces au profit des Marques De Distributeurs (MDD) dont les denrées sont souvent des matières premières importées.
Selon l’analyste Gilles Huttepin, vice-président de l’Interprofession de la volaille de chair, les importations de préparations de poulets en France ont augmenté de 15 % en 2024. Il s’agit essentiellement de produits de découpe dont les filets, les cuisses, voire les pilons, lesquels sont la partie basse de la cuisse. Gilles Huttepin relève que « les Français consomment de plus en plus de produits élaborés et que les importations en profitent, bondissant de 15,1 % de janvier à septembre 2024 par rapport à 2023 ».
Les distributeurs sont de faux défenseurs du pouvoir d’achat
Cité en page 14 dans « Le Monde » daté du 12 décembre, un distributeur préférant garder l’anonymat déclarait : « Globalement, les demandes de tarifs sont en hausse de 5 % à 7 %, voire à deux chiffres là où les prix des matières premières continuent à flamber, comme le cacao ou le café. Elles ne sont pas extravagantes, mais rares sont les produits pour lesquels nous n’avons pas de demande de hausse.
Tout notre travail, désormais, est de voir comment les faire baisser. Les clients sont dans une situation économique compliquée, donc l’heure n’est pas aux augmentations », déclarait ce patron d’enseigne dont on comprend, du coup, pourquoi il préférait garder l’anonymat.
Les trois versions de la loi Egalim votées par les parlementaires français depuis 2018, devaient contraindre les transformateurs à prendre en compte l’augmentation des coûts de production que subissent les paysans afin de les répercuter aux distributeurs en même temps que leurs propres coûts au moment des négociations annuelles. Mais pour échapper à cette contrainte juridique hexagonale, les enseignes ont créé des centrales d’achats dans d’autres pays membres de l’Union européenne.
De plus, les prix de produits comme les céréales et les viandes obéissent à des cotations hebdomadaires dans les salles de marchés selon l’offre et la demande, rendant impossible la fourniture de chiffres précis pour une formation des prix « en marche avant » préconisée par la Loi Egalim.
Un déficit de 1,23 milliard d’euros en viande de volaille
Dans le cadre des négociations annuelles sur les prix et les volumes avec leurs fournisseurs hexagonaux, les enseignes vont à nouveau tenter de faire croître les volumes de produits que leur fourniront les entreprises agroalimentaires sous la marque du distributeur. Cela réduira dans les rayons les volumes de la marque de chaque fournisseur. Dans la marque de distributeur, ce dernier définit le cahier des charges et arrive donc à imposer des importations de poulets et autres produits de grande consommation à des fournisseurs français.
Comme ces MDD représentent désormais plus de 35 % des ventes des rayons alimentation des grandes surfaces, le recul du pouvoir d’achat des ménages sert de prétexte chez Auchan, Carrefour, Leclerc et autres pour faire croître les importations de produits alimentaires en France en faisant reculer le revenu de nos paysans.
La France est le premier pays producteur de céréales en Europe et les volailles sont des animaux granivores dont les aliments sont composés de céréales avec des drèches de graines de soja, de colza et de tournesol riches en protéines végétales. Mais avec la suppression des droits de douane accordée à l’Ukraine depuis 2022, les exportations de poulet ukrainien ont augmenté de 75 % en France et de 134 % dans l’ensemble des pays européens.
Comme on mange de plus en plus de poulet ukrainien en Pologne, ce pays a exporté 253 500 tonnes de cette même volaille en France en 2023, soit une hausse de 10 % sur 2022. Les exportations de volailles de la Belgique en France atteignaient 207 000 tonnes en 2023 et celle des Pays-Bas s’élevait à 132 000 tonnes alors que ces pays sont des importateurs nets d’aliments du bétail.
Voilà comment le déficit de notre balance commerciale en viande de volaille s’est élevé à 448 000 tonnes pour un coût 1, 23 milliard d’euros en 2023. La signature définitive de l’accord de libre-échange entre l’Europe des 27 et les pays du Mercosur ne pourrait qu’aggraver la situation de nos éleveurs et de notre balance commerciale dans les prochaines années. Nous montrerons demain comment la firme brésilienne JBS pourrait profiter de cet accord pour faire croître ses exportations en Europe, tout en accélérant la déforestation en Amazonie.
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