Avis de Jean-Paul Adam (Les Nations Unies)mardi 24 décembre 2024Inter Press Service
NATIONS UNIES, 24 décembre (IPS) – Assurer de nouveaux financements pour le bien mondial est devenu plus difficile que jamais. Les négociations lors de la COP16 récemment conclue sur la nature et la biodiversité n’ont pas abouti à un accord sur la création d’un fonds pour soutenir la mise en œuvre du Cadre pour la nature convenu en 2022 dans le cadre de l’accord Montréal-Kunming.
Dans le cadre de l’initiative de la Grande Muraille Bleue, l’objectif est de sauvegarder 30 % des zones économiques exclusives (ZEE) des pays d’ici 2030, en se concentrant sur la réalisation d’un gain net dans les écosystèmes critiques tels que les mangroves, les coraux et les herbiers marins.
Comme pour toute action multilatérale, les engagements sans ressources soulèvent des questions sur l’efficacité de ces processus mondiaux. L’écart entre les engagements mondiaux et l’allocation réelle des ressources frappe le plus durement les pays africains, car ces pays ont souvent une capacité limitée à générer ces ressources en premier lieu.
Les négociateurs africains ont souligné la nécessité de faire preuve de responsabilité dans le respect des engagements multilatéraux et continueront de maintenir cette position lors des prochaines négociations sur le climat.
Parallèlement, de nombreux pays africains cherchent activement à débloquer de nouvelles sources de financement pour la résilience climatique et environnementale grâce à des innovations financières telles que les échanges de dettes, les obligations vertes et les obligations bleues.
L’économie bleue est devenue un domaine d’intérêt clé pour l’Afrique et l’une des priorités définies dans l’Agenda 2063 de l’UA. Cependant, les pays africains ont continué à avoir du mal à contrôler et à tirer profit de leurs propres ressources.
Un bon exemple est le déploiement continu de subventions néfastes à la pêche. La valeur des subventions accordées par les pays pratiquant la pêche lointaine à leurs flottes opérant dans les eaux africaines représente en moyenne deux fois la valeur du soutien que les pays africains sont en mesure de fournir à leurs propres flottes de pêche.
Cette disparité mine les économies locales et épuise les ressources océaniques de l’Afrique, compliquant encore davantage les efforts visant à construire une économie bleue durable et résiliente.
La Grande Muraille Bleue
Les pays africains ont cherché à redéfinir la manière dont ils exploitent leurs espaces océaniques pour développer une « économie bleue régénératrice ». Cela implique de réinvestir dans l’océan pour créer des emplois qui engagent la communauté qui est la gardienne des océans et des écosystèmes côtiers.
Cela a été conceptualisé à travers l’initiative de la Grande Muraille Bleue, un projet ambitieux qui vise à créer un réseau de paysages marins conservés et restaurés qui profitent à la fois à la biodiversité naturelle et aux moyens de subsistance des communautés locales.
L’initiative vise à protéger 30 % des zones économiques exclusives du pays d’ici 2030 et à produire un gain net dans les écosystèmes critiques comme les mangroves, les coraux et les herbiers marins. On espère que cette initiative pourra contribuer à créer jusqu’à 70 millions de moyens de subsistance dans la région et jusqu’à 10 millions d’emplois bleus d’ici 2030.
L’initiative Grande Muraille Bleue rassemble 10 pays : Comores, Kenya, Madagascar, Maurice, Mozambique, Seychelles, Somalie, Afrique du Sud, Tanzanie et France (à travers son département d’outre-mer de La Réunion). Ces pays travaillent ensemble pour renforcer la résilience socio-écologique, améliorer les moyens de subsistance et renforcer les efforts d’adaptation au changement climatique.
Financement
Fondamentalement, l’initiative cherche à mobiliser des financements pour atteindre un objectif collectif, tout en s’appuyant sur les efforts déployés par les pays individuels. Cela apporte certains avantages, notamment en créant des économies d’échelle.
Cette approche commune peut également constituer un levier important pour résoudre des problèmes tels que la gestion des pêcheries et abandonner la nature extractive actuelle des subventions à la pêche pour adopter une approche communautaire de la gestion de la ressource.
En outre, de nombreux autres pays africains cherchent à exploiter des opportunités innovantes de financement climatique pour générer des ressources à investir dans leur économie bleue.
Par exemple, Cabo Verde et São Tomé et Príncipe ont conclu des accords avec le Portugal pour convertir une partie de leur dette nationale en investissements climatiques. Pour Cabo Verde, l’accord implique un échange de dette de 12,9 millions de dollars (12 millions d’euros), tandis que celui de São Tomé et Príncipe porte sur 3,7 millions de dollars (3,5 millions d’euros). Ces fonds sont redirigés vers des projets d’investissement climatique plutôt que d’être versés directement au Portugal.
Au Cap-Vert, l’accent est mis sur les projets d’eau, d’assainissement et d’énergie, notamment l’agrandissement d’une centrale photovoltaïque et le développement d’installations de dessalement et de traitement de l’eau. L’initiative vise à utiliser l’énergie solaire pour produire de l’eau dessalée, répondant à la fois aux besoins en énergie et en eau.
De la même manière, São Tomé-et-Principe canalisera le remboursement de sa dette vers un fonds national pour le climat, soutenant divers investissements verts et projets d’adaptation au changement climatique.
Cette approche innovante garantit que le remboursement de la dette contribue au développement durable et à la protection de l’environnement dans ces pays. Même si les montants sont relativement modestes, ils peuvent servir de catalyseurs pour mobiliser des fonds plus importants.
C’est dans cette optique que Sao Tomé-et-Principe a également annoncé la création d’un fonds fiduciaire pour la conservation visant à canaliser les ressources vers la préservation de leur patrimoine naturel unique et à tirer parti de nouvelles opportunités économiques associées telles que l’écotourisme.
Tous ces efforts pour mobiliser des financements climatiques innovants sont ancrés dans les besoins des populations qui sont en première ligne du changement climatique. Il s’agit peut-être de la partie la plus significative de ces efforts, car elle met en évidence le plus grand défi du multilatéralisme : garantir que l’aide soit apportée aux plus vulnérables de la communauté.
Investir dans le lien entre le climat, la nature et la résilience est l’une des mesures les plus urgentes et les plus efficaces que nous puissions prendre. Les bons investissements peuvent contribuer à libérer la véritable valeur des atouts naturels de l’Afrique, estimés par la Banque africaine de développement (BAD) à 6 200 milliards de dollars américains.
Nous avons besoin de processus mondiaux pour tenir la promesse de flux financiers prévisibles et à grande échelle. Cependant, il est tout aussi important de débloquer les initiatives africaines construites au sein des communautés. Ces innovations contribuent à amorcer ce voyage, ouvrant la voie à un changement significatif, responsabilisant les communautés tout en relevant les défis du changement climatique.
Jean-Paul Adam est directeur des politiques, du suivi et du plaidoyer au Bureau du Conseiller spécial des Nations Unies pour l’Afrique.
Source : Afrique Renouveau, Nations Unies
IPS Bureau de l’ONU
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