Jadis associé aux marins partant de longs mois en mer ou aux prisonniers, à qui l’on apportait des oranges pour le combattre, le scorbut semblait être définitivement éradiqué dans la 7e puissance économique mondiale. Il n’en est rien. C’est ce que nous apprend une étude publiée dans le journal médical de référence The Lancet, et réalisée par des équipes médicales françaises.
Ayant observé une multiplication des cas de cette maladie liée à une carence en vitamine C dans leurs services, les pédiatres de l’hôpital Robert-Debré, à Paris, et de l’hôpital de Cayenne, en Guyane, ont décidé de s’associer à des chercheurs de l’Inserm, pour déterminer le nombre précis de cas diagnostiqués en France entre janvier 2015 et novembre 2023, à partir des données d’hospitalisation de l’assurance-maladie. Ils ont également comparé leurs chiffres avec les données sur l’inflation de l’Insee et celles sur la précarité alimentaire du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc).
Des médecins lancent l’alerte
Leur étude, publiée dans le journal médical de référence The Lancet, montre une inquiétante réapparition du scorbut chez les enfants, en France, depuis 2015. Les chercheurs et chercheuses ont dénombré 888 enfants hospitalisés pour ce motif jusqu’en 2023. Leur âge moyen est de 11 ans et des cas ont été diagnostiqués sur l’ensemble du territoire français. Le nombre d’enfants hospitalisés pour un scorbut a augmenté d’un tiers depuis le début de l’épidémie de Covid-19.
Entre mars 2020 et novembre 2023, le nombre de cas de scorbut est en hausse de 34,5 %. « Cette hausse est même de 200 % chez les 5-10 ans », précise le professeur Ulrich Meinzer, interrogé par Mediapart. Et elle est associée à une forte hausse de la malnutrition sévère chez les enfants (+ 20,3 %) sur la même période.
Cette maladie, pouvant entraîner de graves problèmes de santé, comme des douleurs osseuses, une faiblesse musculaire ou encore des hémorragies est associée à la malnutrition sévère, également en hausse dans la même période. Une situation qualifiée d’« alarmante » par Ulrich Meinzer, pédiatre à l’hôpital Robert-Debré à Paris et coauteur de l’étude. Il dit recevoir « de plus en plus de familles précaires dans son cabinet ». « Il y a actuellement en France une population d’enfants âgés de 5 à 10 ans qui sont exposés à une carence alimentaire profonde. Je pense que c’est un problème de santé publique qui nécessite une réponse urgente », explique le médecin. En cause, l’augmentation de la pauvreté qui empêche certaines familles précaires d’acheter suffisamment de fruits et légumes riches en vitamine C. Pour les auteurs de l’étude, le covid-19 marque « le début d’une série de crises sanitaires, économiques et géopolitiques qui ont dangereusement creusé les inégalités sociales ». Ils insistent sur « le besoin urgent d’une aide nutritionnelle adaptée pour les populations pédiatriques à risque ».
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