Une catastrophe n’arrive jamais seule. Le rapport de 2019 de l’Ipbes, l’équivalent du Giec pour la biodiversité, avait fait des remous : il faisait état d’un million d’espèces menacées d’extinction, un taux « sans précédent ». Dans ce nouveau rapport dit « Nexus », la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) s’est attelée à évaluer les « liens d’interdépendance entre la biodiversité, l’eau, l’alimentation, la santé et le changement climatique ».
« Il existe des liens très complexes entre ces cinq éléments », explique Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’Ipbes, pour qui le rapport « répond aux questions les plus critiques que le monde doit aborder de toute urgence. »
« De nombreuses options de réponses sont disponibles »
Ces interdépendances ont un corollaire : les approches « en silos » ne peuvent répondre à ces défis, selon les scientifiques de l’Ipbes. Autrement dit : agir sur l’un des éléments sans tenir compte des autres peut avoir des effets négatifs sur ceux-ci. Selon Pamela McElwee, coprésidente de l’évaluation, « la meilleure façon de décloisonner les approches individuelles est d’adopter une prise de décision intégrée et adaptative ».
Et le rapport Nexus explore également des scénarios d’action, indique Pamela McElwee : « De nombreuses options de réponses sont disponibles dès à présent. Nous n’avons pas à attendre. Elles sont accessibles à différents types d’acteurs dans de multiples secteurs. » Car selon l’Ipbes, il n’existe pas de solution unique applicable à tous les contextes, et chaque solution est examinée à l’aune de ses impacts sur les autres éléments pris en compte par le rapport.
Ce travail titanesque de trois ans, qui a mobilisé 165 experts issus de 57 pays, a été approuvé par les 147 pays participant lors de leur 11e session plénière qui vient de se clore à Windhoek, en Namibie. Et qui rappelle que la biodiversité est en déclin dans toutes les régions du monde, de 2 à 6 % par décennie au cours des trente à cinquante dernières années.
Avec les inégalités qui en découlent, explique Paula Harrison, coprésidente de l’évaluation : « Les effets de plus en plus négatifs des crises mondiales qui s’entremêlent ont des impacts très inégaux, affectant de manière disproportionnée certaines personnes plus que d’autres. » Plus de 50 % de la population mondiale vit dans des zones qui en subissent les impacts les plus importants.
L’Ipbes épingle le système financier
En creux, l’Ipbes pointe également les conséquences de l’inaction. D’autant que « si nous attendons dix ans, en reportant l’action, nous doublerons le coût de ce que nous devrons finalement faire pour atteindre ces objectifs de biodiversité » – qui aura subi, entre-temps, des dommages supplémentaires, explique Pamela McElwee. « Il vaut donc mieux s’y attaquer maintenant, pendant qu’il en est encore temps. »
C’est également tout le système financier qu’épingle l’Ipbes. Le rapport ne se prive pas de dénoncer l’influence néfaste du « business as usual » sur tous les éléments examinés : « Notre système économique et financier n’est vraiment pas adapté, assène Pamela McElwee. Actuellement, les flux financiers négatifs, consacrés à la dégradation de la nature sont de l’ordre de 7 000 milliards de dollars par an. » Une balance très déséquilibrée, alors que seuls 200 milliards de dollars par an sont dépensés en faveur de la biodiversité, soit environ 35 fois moins. « Il est donc clair que quelque chose doit changer », poursuit la coprésidente du rapport.
Si le rapport Nexus explore des interdépendances déjà documentées, l’échelle est sans précédent, particulièrement dans son analyse des impacts des solutions sur tous les éléments. Elles sont désormais confirmées par ce travail scientifique et votées par les gouvernements, après une quarantaine d’heures de négociations. Un deuxième rapport de l’Ipbes portant sur les changements systémiques est attendu le 18 décembre. Des outils pour les décideurs, demandés par les membres de la plateforme, dont on n’espère qu’ils ne finiront pas dans les placards de l’histoire.
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