Présenté à sa création en 2017 comme un levier de démocratisation culturelle en faveur des 15-18 ans, le Pass Culture échoue en partie à remplir sa mission. C’est ce que souligne, ce mardi 17 décembre, la Cour des comptes dans un rapport sévère consacré au dispositif, qui, plutôt que d’élargir les horizons culturels, « amplifie des pratiques déjà bien ancrées ».
Les statistiques compulsées par l’institution de contrôle sont sans appel : 25 % des jeunes n’ont pas bénéficié des 300 euros qui leur sont attribués pour accéder aux activités ou biens culturels de leur choix ; 16 % d’entre eux n’ont même pas installé l’application pourtant gratuite. Ces chiffres marquent une reproduction sociale évidente : seuls 68 % des jeunes issus des classes populaires ont activé leur passe, contre près de 81 % des jeunes des classes supérieures.
Pour le secrétaire général de la CGT spectacle, Ghislain Gauthier, la Cour n’a fait que « porter un discours qu’on tient depuis longtemps (…) La culture a besoin de financements pour aller chercher le public dans les territoires et dans les quartiers ». C’est pourquoi le syndicat revendique, depuis plus d’un an, le rattachement du dispositif à la direction régionale des affaires culturelles (Drac) afin de répondre à une demande plus adaptée à chaque région.
Les indépendants, grands perdants du Pass Culture
En l’état du Pass Culture, le secteur du livre rafle la mise en représentant 67 % des achats et 46 % des montants. Derrière arrivent le cinéma, la musique live, l’audiovisuel et les musiques enregistrées, le spectacle vivant n’enregistrant que moins de 1 % des réservations des 15-18 ans. Les enseignes culturelles (Cultura, E. Leclerc ou Furet du Nord), ainsi que les chaînes de salles de cinéma (Pathé-Gaumont, CGR et UGC) captent plus de 40 % du chiffre d’affaires généré par le passé.
Ainsi, la Fnac a réalisé plus de 105 millions d’euros de chiffre d’affaires entre 2019 et 2024, soit près de 15 % de part de marché du dispositif. « Les librairies indépendantes n’ont quasiment pas bénéficié du Pass Culture, c’est alarmant », s’inquiète le cégétiste. En écho, la Cour des comptes met en cause « la totale autonomie laissée aux jeunes pour choisir les offres comme les lieux d’achat. Les offreurs du secteur marchand qui bénéficient le plus de cet outil sont généralement ceux qui sont bien implantés au plan national ».
Conçu initialement pour être cofinancé par des acteurs privés, le Pass Culture repose aujourd’hui quasi exclusivement sur des fonds publics. Son budget est passé de 93 millions d’euros en 2021 à 244 millions en 2024, devenant le deuxième poste du ministère de la Culture après la Bibliothèque nationale de France. La Cour des comptes dénonce une « croissance non maîtrisée » et un dépassement systématique des enveloppes initiales.
Dans son viseur, la sous-traitance de la gestion par une société commerciale, la SAS Pass Culture, « pose problème ». La Cour des comptes préconise « son intégration comme opérateur d’État dès 2025 » pour garantir une meilleure supervision et un suivi des données plus rigoureux.
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