Deux jours après le passage du cyclone Chido, il est toujours impossible de connaître le nombre de victimes à Mayotte. Pour établir un bilan humain, « il faudra des jours et des jours », a déclaré, lundi, le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à son arrivée dans l’agglomération de Mamoudzou. Le préfet François-Xavier Bieuville estime néanmoins que « des centaines », voire des « milliers de personnes » ont certainement été tuées, notamment parmi celles qui vivaient dans les habitats les plus précaires.
De fait, les bidonvilles, densément peuplés de personnes en situation irrégulière, ont été entièrement détruits. Mayotte compte officiellement 320 000 habitants « mais on estime qu’il y a 100 000 à 200 000 personnes de plus, compte tenu de l’immigration illégale », estime une source proche des autorités. Ce qui laisse augurer un nombre considérable de victimes parmi elles.
« Beaucoup pensaient que c’était un piège qu’on leur tendait »
Apparemment, peu d’habitants en situation irrégulière ont rejoint les centres d’hébergement avant le passage du cyclone, « sans doute par peur d’être appréhendés par la police », soulignait Saïd Omar Oili, sénateur de Mayotte, lundi matin, sur LCI. « Beaucoup pensaient que c’était un piège qu’on leur tendait (…) pour les ramasser et les conduire hors des frontières », a ainsi raconté à l’AFP Ousseni Balahachi, infirmier à la retraite. « Ces gens-là sont restés jusqu’à la dernière minute. Quand ils ont vu l’intensité du phénomène, ils ont commencé à paniquer, à chercher où se réfugier. Mais c’était déjà trop tard, les tôles commençaient à s’envoler. »
Dans cette île où les personnes en situation irrégulière, essentiellement originaires des Comores, sont accusées par la population et les élus de déséquilibrer le peu d’infrastructures et de ressources de l’archipel, et de nourrir un taux de délinquance « hors normes », les propos polémiques ont rapidement émergé.
Malgré l’ampleur de la catastrophe, alors que l’urgence est de venir en aide à tous les sinistrés, la députée (Liot) de Mayotte, Estelle Youssouffa, partisane de la suppression du droit du sol, a ainsi déclaré lundi matin que Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise (FI) « s’étaient opposés à la destruction des bidonvilles qui sont aujourd’hui des cimetières ».
Sous-investissement chronique de l’État à Mayotte
Le coordinateur national de la FI, Manuel Bompard, a simplement rappelé que « l’opération « Wuambushu » (dont l’objectif officiel était de » lutter contre l’habitat illégal insalubre, l’insécurité et l’immigration clandestine » – NDLR) a conduit à expulser des gens et à démanteler des bidonvilles mais ça n’a pas permis de remplacer (ces derniers) par de l’habitat en dur. Ça a poussé des gens à se déplacer à un autre endroit, à continuer à vivre dans un habitat encore plus précaire ».
Tout en dénonçant, au passage, « le sous-investissement chronique de l’État à Mayotte ». La veille, c’est le très zélé préfet François-Xavier Bieuville qui insistait sur le fait qu’il serait compliqué d’établir un bilan, car la tradition musulmane veut que les défunts soient enterrés « dans les 24 heures ».
En attendant, dès lundi matin, on voyait, dans certains quartiers, « des familles, surtout en situation irrégulière, qui reconstruisent leurs cases en tôle », a confié à l’Humanité le président de l’Union départementale des associations familiales (Udaf) Mayotte, Ali Nizary. Pour ce dernier, la solution est pourtant simple : « Il faut empêcher ces reconstructions, donc reloger les familles. »
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