Au local de la rue de l’Arc, dans le quartier Noailles – l’un des plus pauvres de Marseille –, des photos d’habitants parsèment le mur. Derrière l’objectif, Jean de Peña a immortalisé chaque instant depuis ce sinistre 5 novembre 2018 au matin où, en plein cœur de la ville, deux immeubles s’effondraient au 63 et 65 rue d’Aubagne. Huit personnes ont trouvé la mort et des milliers d’autres seront délogées pendant les mois qui suivent.
Ce soir, alors que le procès hors normes de l’effondrement, débuté depuis une quinzaine de jours, ravive une mémoire douloureuse, le photographe retrouve le noyau dur des militants de Noailles debout, association créée à la suite du drame. La petite rue piétonne recouverte de graffitis où les habitants ont déposé des plantes à même le sol se trouve à quelques mètres de la rue d’Aubagne. C’est ici, au local associatif, que tous racontent comment, face à la gestion accablante de la municipalité Gaudin (LR), les citoyens ont pris les choses en main en improvisant des systèmes d’entraide inédits.
Des habitants combatifs face à une crise inédite
« Beaucoup de journalistes, photographes, s’invitaient chez les gens et volaient leurs récits. Il y avait un sentiment de malaise profond. Moi, ce qui m’intéressait, c’était de rester. De capter des histoires de vie. » Jean ne veut pas signer ses images. Sa présence va au-delà d’un reportage photo. Bientôt, il s’engagera plus encore, avec ce qui deviendra Noailles debout. « C’est Laura qui m’a attrapé dans cette aventure », sourit-il.
Laura Spica, la fondatrice de l’association, habite rue Jean-Roque, à trente mètres des immeubles qui se sont effondrés. Elle se mobilise illico face à une crise humanitaire inédite. Assemblées générales, création du collectif du 5 novembre, distributions de repas, collectes de vêtements, aides juridiques, rédaction d’une charte pour un logement digne, d’un guide de survie, manifestations… La solidarité et la combativité des habitants prennent une tournure exceptionnelle, à la mesure de la catastrophe et de l’incurie des pouvoirs publics locaux.