Un peu plus d’un enfant de maternelle sur douze (8,3 %) présente « au moins une difficulté probable de santé mentale ». C’est le principal résultat d’une étude publiée le 10 décembre par Santé publique France. Il s’agit d’une première dans notre pays pour les enfants de cet âge : sa récurrence devrait permettre de suivre les évolutions de la santé et du bien-être mental chez les jeunes enfants, et d’évaluer les politiques publiques menées dans ce domaine.
Néanmoins, il montre que cette question de la santé mentale des enfants doit devenir une préoccupation partagée par tous, familles et éducateurs en premier lieu, et qu’elle doit faire l’objet de politiques publiques appropriées.
« Produire une photographie macroscopique de la situation »
Cette étude, qui porte sur les enfants de 3 à 6 ans, constitue en fait la deuxième partie de l’enquête Enabee (Étude nationale sur le bien-être des enfants). La première partie, publiée en juin 2023, concernait les enfants de 6 à 11 ans (scolarisés en primaire) et montrait déjà que 13 % d’entre eux présentaient un trouble de santé mentale « probable ».
Cette dernière précision tient au fait que l’enquête ne repose pas sur des diagnostics posés par des professionnels, mais sur les déclarations croisées des parents et des enseignants, auxquels un questionnaire a été soumis, les enfants de 3 à 6 ans étant trop jeunes pour se voir sollicités directement. C’est pour ces raisons que l’étude préfère parler de « difficultés », et non de « troubles » de santé mentale.
Stéphanie Monnier-Besnard, épidémiologiste à Santé publique France et coautrice de l’étude, précise d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’établir un tableau clinique mais de « prendre la température, produire une photographie macroscopique de la situation » de la santé mentale de ces jeunes enfants.
Cette photographie établit donc que 5,9 % des enfants de cet âge présentent des difficultés oppositionnelles (enfant querelleur, bagarreur, en opposition fréquente avec ses parents ou professeurs), 1,9 % manifestent des difficultés de type inattention/hyperactivité, et 1,8 % des difficultés émotionnelles (enfant inquiet, soucieux, qui pleure fréquemment…). Sur l’ensemble de l’échantillon, 12,9 % des enfants avaient consulté un professionnel de santé « pour des difficultés psychologiques ou d’apprentissage » au cours de l’année précédant l’enquête.
Mais à peine plus d’un tiers (33,7 %) des enfants « présentant des difficultés probables ayant un impact sur leur vie » l’ont fait. Cela indique, note le rapport, qu’une majorité des enfants « ayant probablement besoin d’une prise en charge » n’y ont pas eu accès. Une constatation qui, même si les auteurs de l’enquête se refusent à aller sur ce terrain, souligne les difficultés d’accès à ces prises en charge et, du même coup, l’état alarmant du système de prévention et de soin en France, tout particulièrement concernant la santé mentale, et plus encore celle des enfants.
« Pas d’alerte particulière »
Pourtant, les résultats de l’étude ne montrent pas une situation singulièrement alarmante : ils sont, note le rapport, cohérents avec les enquêtes internationales sur le même sujet et n’ont « pas suscité d’alerte particulière chez les professionnels à qui nous les avons présentés », remarque encore Stéphanie Monnier-Besnard, pour qui, en outre, « les difficultés émotionnelles ou comportementales chez les jeunes enfants peuvent évoluer rapidement et présenter un caractère passager ». Mais l’épidémiologiste insiste sur le fait qu’il s’agit d’une « période cruciale dans le développement de l’enfant » et qu’il importe donc d’« agir pour s’assurer que ces difficultés ne s’installent pas ».
Pour Nolwenn Regnault, également épidémiologiste et responsable de l’unité « Périnatalité, petite enfance et santé mentale » de Santé publique France, il ne s’agit pas de nier que « le système de santé rencontre des difficultés actuellement », mais bien de parvenir à déclencher, à travers une étude comme celle-ci et celles qui suivront, « une prise de conscience importante sur le sujet » de la santé mentale des enfants, en « espérant que les politiques permettant une bonne prise en charge suivent ».
De fait, une enquête comme celle-ci conforte tous ceux – professionnels de santé, enseignants ou familles – qui dénoncent l’évolution catastrophique du système de santé psychique. Sans oublier celle de la santé scolaire ces dernières années, avec des professionnels trop peu nombreux, débordés, et une difficulté à recruter tenant, outre les conditions d’exercice dégradées, à la faiblesse des rémunérations. La prise de conscience n’est pas seulement nécessaire : elle est urgente.
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