La “loi spéciale”, annoncée par Emmanuel Macron après la censure du gouvernement de Michel Barnier, est une loi temporaire, permise par la Constitution, qui doit permettre à l’Etat de se financer et autoriser la continuité du service public
Un dernier Conseil des ministres puis un nouveau chef du gouvernement : Emmanuel Macron a promis de nommer d’ici jeudi, et potentiellement dès mercredi, le successeur de Michel Barnier à Matignon, qui sera chargé de négocier a minima un accord pour éviter la censure.
Au lendemain d’une réunion inédite autour du président des chefs de parti hors LFI et RN, Michel Barnier et son gouvernement se retrouvent mercredi matin une dernière fois à l’Elysée – fait rarissime pour une équipe démissionnaire.
Au menu de ce Conseil des ministres : un projet de “loi spéciale” pour assurer la continuité de l’Etat à compter de janvier. La censure de Michel Barnier la semaine dernière, trois mois à peine après sa nomination, a en effet laissé en suspens le budget 2025.
La “loi temporaire” examinée lundi à l’Assemblée nationale
Cette “loi temporaire”, dont l’adoption ne fait guère de doute, sera examinée lundi à l’Assemblée nationale, puis le 18 décembre au Sénat.
D’après Vie publique, ce projet de loi doit impérativement être déposé avant le 19 décembre. Il est discuté selon une procédure accélérée pour être promulgué avant le 1er janvier. Cette loi spéciale n’empêche pas les futures discussions parlementaires autour d’un nouveau projet de budget, qui doit être adopté au cours de l’année.
La loi spéciale sera présentée ce mercredi en Conseil des ministres. Dès l’après-midi, Laurent Saint-Martin, ministre démissionnaire des Comptes publics, sera entendu en commission des Finances, qui examinera le texte jeudi, selon des sources parlementaires.
Le projet de loi arrivera à l’Assemblée nationale le 16 décembre, a annoncé le ministère des Relations avec le Parlement, et devrait ensuite être examiné au Sénat le 18 décembre. Il devrait être adopté sans difficulté, les groupes parlementaires ayant déjà indiqué leur intention de le voter.
Le texte est réduit à sa plus simple expression pour autoriser le gouvernement à lever les impôts et dépenser les crédits sur la base du budget pour l’année en cours.
La gauche entend toutefois l’amender pour s’assurer que le barème de l’impôt sur le revenu soit bien indexé sur l’inflation, afin d’éviter qu’un grand nombre de Français voient leur pression fiscale monter.
Le Conseil d’Etat a estimé mardi que cette disposition n’avait pas sa place dans une loi spéciale. Les socialistes plaident pour que les forces politiques adoptent cet amendement et ne saisissent pas ensuite le Conseil constitutionnel sur la loi adoptée, afin d’éviter sa censure.
Après ce Conseil des ministres, la voie sera libre pour désigner un nouveau Premier ministre. Mardi, devant les chefs des communistes, des socialistes, des écologistes, du camp présidentiel et du parti Les Républicains, Emmanuel Macron a promis de le nommer “dans les 48 heures”. Plusieurs proches tablent sur un choix dès mercredi soir.
Bayrou, Vautrin, Le Drian…
Charge au nouveau locataire de Matignon de négocier avec ces partis une participation au gouvernement, ou leur soutien à certains textes dont le budget, ou encore, a minima, un accord de “non-censure”. Ensuite seulement, il composera son équipe.
Durant deux heures et demie mardi, à huis clos, chacun a avancé ses pions, affiné ses lignes rouges et esquissé ses concessions.
Emmanuel Macron a souligné “sa volonté de ne pas dissoudre” l’Assemblée à nouveau d’ici 2027, selon son entourage. Il a aussi relevé “une unanimité des forces politiques pour ne plus dépendre du Rassemblement national”.
La patronne des Ecologistes Marine Tondelier a affirmé que si un Premier ministre de gauche était nommé, il pourrait s’engager à ne pas utiliser le 49.3, cet outil constitutionnel qui permet d’adopter des lois sans vote en engageant la responsabilité du gouvernement.
Son homologue communiste Fabien Roussel a complété en disant qu’en échange, les opposants pourraient s’engager à ne pas recourir à une nouvelle motion de censure.
Un “échange de bons procédés” qui a fait son chemin, selon le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure. Mais tous ces responsables suspendent leur décision au nom du nouveau Premier ministre.
Le plus optimiste mardi soir était François Bayrou, qui a salué une réunion “positive de manière inespérée” pouvant aboutir à un “accord de coopération démocratique”.
Son engouement est-il un hasard ? Le président du MoDem, allié de longue date du chef de l’Etat, semblait conserver sa place parmi les favoris pour Matignon. Après un déjeuner avec Emmanuel Macron la semaine dernière, le dirigeant centriste a encore été reçu mardi matin à l’Elysée.
Dans le camp macroniste, les noms des ministres démissionnaires Catherine Vautrin et Sébastien Lecornu circulent aussi. L’ex-ministre venu du PS Jean-Yves Le Drian a décliné, mais certains espéraient encore le convaincre, selon des sources macronistes.
A droite, le maire de Troyes François Baroin est cité. Le PS, le PCF et les Ecologistes peuvent-ils accepter de soutenir, même du bout des lèvres, un Premier ministre qui ne serait pas clairement de gauche?
“Pas d’accord de coalition ! Pas de ‘non censure’. Revenez à la raison et à la maison !”, a tancé mardi soir le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon, mettant en garde contre une trahison de ses alliés au sein du Nouveau Front populaire.
Fumée blanche mercredi soir ? Jeudi, Emmanuel Macron se rend en Pologne, ce qui limite la fenêtre de tir pour désigner un successeur à Michel Barnier, Premier ministre le plus éphémère de la Ve République.