Les syndicats professionnels agricoles français rivalisent d’expressions choc après l’annonce ce vendredi 6 décembre de la conclusion des négociations en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les quatre pays du Mercosur.
« Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, vient de signer l’accord UE-Mercosur. C’est un véritable scandale ! Cette signature est un coup de poignard pour les paysan·nes de France, d’Europe ET d’Amérique du Sud », dénonce ainsi la Confédération paysanne dans un communiqué.
« Nous avons démontré que ces accords de libre-échange tirent les prix vers le bas et organisent la course au moins-disant social et environnemental. Ils se font au détriment du revenu paysan et de l’intérêt général. Nous appelons à poursuivre la lutte, un combat sur lequel nous sommes précurseurs depuis plus de 30 ans », poursuit le mouvement progressiste.
Lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce vendredi midi à Montevideo (Uruguay) avec les présidents de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay, Ursula von der Leyen a eu beau assurer que « nous écoutons lespréoccupations de nos agriculteurs et nous agissons en conséquence. Cet accord inclus des garanties solides pour protéger nos moyens de subsistance », ses garanties n’ont pas convaincu.
Visiblement émue au micro de BFMTV, Sophie Lenaerts, la présidente de la Coordination rurale, organisation classée à droite de la FNSEA, estime : « C’est un agricide ce qu’elle vient de faire là (Ursula Von Der Leyen, N.D.L.R.). J’ai entendu parler d’argent, de commerce… Mais à aucun moment de familles qui vont faire faillite, d’élevages qui vont être perdus, d’autonomie alimentaire, de toutes ces choses-là. »
Dans un communiqué co-signé, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs déplore « cette validation (qui) est non seulement une provocation pour les agriculteurs européens qui appliquent les standards de production les plus élevés au monde, mais aussi un déni de démocratie alors que la quasi-unanimité de nos parlementaires français se sont exprimés contre cet accord ! »
« Importations de 99 000 tonnes de viande bovine, 180 000 tonnes en volaille… »
En écho, le président de la Coopération agricole, qui représente les coopératives de l’agroalimentaire, juge inacceptable « de voir le jeu de la concurrence déloyale s’amplifier. Ce n’est pas le moment d’affaiblir nos filières sucre, viande, volaille ». Dominique Charge prend l’exemple « frappant » de cette dernière production. « Produite une tonne de volaille coûte jusqu’à 50 % moins cher au Brésil qu’en Europe, où les standards de production sont bien plus exigeants. »
Le Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), avait lui aussi détaillé après son assemblée générale les régressions contenues dans ce texte commercial : « L’importation de 99 000 tonnes de viande bovine, 180 000 tonnes en volaille, 45 000 tonnes de miel…. De nombreux pesticides, dont l’usage est interdit dans l’U.E, sont autorisés par les membres du MERCOSUR et plusieurs antibiotiques restent utilisés en élevage bovin viande comme activateurs de croissance. D’autres réglementations plus souples voire inexistantes se retrouvent tout au long de la filière bovins viande du MERCOSUR. C’est le cas de la question du bien-être animal. »
« Nous ne nous avouons pas vaincu »
Toutes ces organisations assurent que la bataille continue contre ce traité de libre-échange Europe-Mercosur. « Nous ne nous avouons pas vaincus ! Nous engagerons tous les moyens au niveau européen pour que cet accord ne soit pas ratifié, ni par le Conseil, ni par le Parlement européen, ni par les Parlements nationaux », affirment en chœur la FNSEA et les JA dont le lobbying auprès des autorités publiques sait se faire très efficace.
Même volonté affichée de la part de la Confédération paysanne : « 40 ans de crise agricole, ce n’est plus une crise mais un système et nous devons en changer de toute urgence. Nous appelons donc à continuer la mobilisation sur le terrain et à défendre notre liberté syndicale de manifester «, en référence à cinq militants ” violemment interpellés (jeudi) par la Brav-M », puis placés en garde à vue prolongée, après une action devant le Grand Palais à Paris contre les accords de libre-échange.
Côté syndicat de salariés aussi, le combat continue contre ce traité. « Dans un contexte d’urgence écologique et d’instabilité politique en France, il est désormais impératif d’abandonner les modèles dépassés qui favorisent les grands échanges commerciaux au détriment des territoires et de l’emploi local », note la CFDT Agri-Agro qui appelle « à un engagement fort pour des modèles agricoles et alimentaires ancrés dans les territoires, respectueux des salariés et des ressources naturelles ».