Il a beau avoir agité la menace d’un chaos sans précédent pendant plusieurs semaines, Michel Barnier a dû se résigner. Lundi 2 décembre, à l’heure du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le premier ministre intérimaire a dégainé le 49.3.
L’ancien commissaire européen n’a plus de prise sur son poste ni sur la durée de vie de son gouvernement ou sur la survie de son budget pour 2025. La censure – le Nouveau Front populaire (NFP) comme le Rassemblement national (RN) ont chacun déposé une motion – devrait, sauf retournement de situation, être adoptée par l’Assemblée nationale, mercredi 4 décembre. Les motions de censure y seront débattues à partir de 16 heures.
À qui la faute ? « Aujourd’hui, on a un gouvernement qui est dans les mains du Rassemblement national, s’est insurgée Lucie Castets, ex-candidate du NFP pour Matignon, sur franceInfo, ce mardi matin. Les négociations ont eu lieu exclusivement avec ce parti. »
Lucie Castets « prête à gouverner »
Michel Barnier n’a en effet pas hésité à multiplier les annonces en faveur du Rassemblement national. Le parti présidé par Jordan Bardella n’a cependant pas renoncé à faire tomber le gouvernement et, galvanisé par cette séquence inédite dans l’histoire de la Ve République, entend en profiter pour s’afficher comme un bouclier face aux mesures antisociales et un parti en capacité de s’imposer à l’Élysée et Matignon.
En conséquence, Michel Barnier « aura la censure et le déshonneur », a lancé Marine Tondelier, présente avec la candidate à Matignon du NFP sur le plateau de franceInfo. Interrogée sur la stratégie du gouvernement, la secrétaire nationale des Écologistes a ajouté : « On a bien compris leur ligne, mais là, ils devraient revenir du bon côté de l’histoire. » Lucie Castets en a, enfin, profité pour se déclarer « prête à gouverner ».
« Nous avons cherché pendant deux mois à négocier avec le premier ministre, mais il n’a tendu la main qu’à Marine Le Pen, a également fustigé Olivier Faure, qui était invité à s’exprimer sur le plateau de BFMTV, ce mardi 3 décembre. C’est la seule avec laquelle il est entré en dialogue. Finalement il n’a pas réussi, mais la vérité c’est qu’il n’a jamais cherché à discuter avec nous. »
Questionné sur la composition d’un futur gouvernement, alors que la frange la plus à droite de sa formation ne cesse d’être courtisée par les macronistes, le premier secrétaire du Parti socialiste a demandé au président de la République, Emmanuel Macron, qu’il nomme « un premier ministre de gauche ». Olivier Faure a néanmoins annoncé qu’il restait ouvert à un « compromis » avec le bloc central de l’Hémicycle. « C’est le chef de l’État qui nomme le premier ministre, mais je lui dis simplement, de nommer un premier ministre de gauche : le front populaire au gouvernement et le front républicain à l’Assemblée, c’est ainsi que nous pouvons progresser », a-t-il répété.
« Ce ne sera pas le chaos »
Plusieurs membres du gouvernement se sont justement exprimés sur les motions de censure, dans une nouvelle tentative de calmer l’incendie et d’en rejeter la faute sur l’opposition. « C’est le pays qu’on met en danger, a ainsi dramatisé le ministre de l’Économie, Antoine Armand, sur le plateau de France 2, ce mardi matin. Nous avons fait le maximum pour que les forces politiques au Parlement puissent ou nous soutenir ou ne pas censurer ce budget. Parce que ce n’est pas le budget qu’on censure, ce n’est pas le gouvernement qu’on censure derrière, c’est le pays qu’on met en danger, c’est le pays qu’on abîme. »
« Ce budget qui nous est proposé va conduire la France à la récession. Ce budget est toxique autant pour les entreprises, pour les services publics, pour les collectivités que pour le monde du travail. Y a-t-il dans ce budget une seule mesure qui protège les salariés d’Auchan, de Carrefour, de Vencorex, de Michelin, d’Arcelormittal ? », avait répliqué, par anticipation, dès dimanche soir le secrétaire national du PCF, sur BFM, rappelant le « pacte social qui protège les Français, qui les respecte et qui réponde à leurs attentes » proposé par son parti. « La réalité : si nous en sommes là, c’est parce que Le Pen a décidé d’adouber Barnier pour martyriser le monde du travail et la santé », a également ajouté Fabien Roussel, sur X, le lendemain.
Pas de quoi convaincre non plus la France insoumise (FI) : « Contrairement à ce qu’a dit le premier ministre, ce ne sera pas le chaos », rétorquait ainsi Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire FI-NFP, à la sortie de l’Hémicycle, juste après l’annonce du 49.3, lundi 2 décembre. « Nous sommes dans un moment où nous pouvons, à la fois faire tomber Monsieur Barnier et son gouvernement, mais aussi ce budget », s’est-elle réjouie.
Inlassablement cependant, le gouvernement continue sur le même refrain. « S’il n’y a pas de budget, les retraités paieront des impôts en plus dès le mois de janvier – environ 18 millions imposables –, et 400 000 nouveaux deviendront imposables », a de son côté lancé Laurent Saint-Martin, ministre du Budget et des Comptes publics. « S’il y a motion de censure, cela peut nous précipiter dans la crise », s’étrangle enfin le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, sur le plateau de TF1. L’ex-sénateur, dont les annonces de ces dernières semaines n’ont rien à envier à l’extrême droite, a rejoué l’éternelle partition des « deux extrêmes », en demandant comment « Marine Le Pen pouvait mélanger ses voies avec celles des insoumis ».
Le Rassemblement national, justement, a poursuivi dans sa stratégie consistant à paraître grave et responsable. « Censurer ce budget est, hélas, la seule manière que nous donne la Constitution pour protéger les Français d’un budget dangereux, injuste et punitif », a ainsi déclaré Marine Le Pen, plus tôt dans la matinée de ce mardi 3 décembre, sur X (ex-Twitter). « C’est notre devoir (de voter la censure), a renchéri le député Jean-Philippe Tanguy sur les ondes d’Europe 1. Nous n’allons pas confier davantage les cordons de la bourse de la France à des gens qui sont incapables. »
Le principal intéressé, Michel Barnier, doit s’exprimer ce mardi soir, en direct, lors d’un entretien croisé avec Anne-Sophie Lapix (France 2) et Gilles Bouleau (TF1), dans les journaux de 20 heures. Sûrement la dernière occasion qu’aura l’ancien commissaire européen pour s’exprimer face aux Français en tant que premier ministre.
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