Les cadres du RN savent qu’une partie de leur avenir s’est peut-être joué ce mercredi après-midi, au palais de justice de Paris. Une quinzaine de députés, en plus des prévenus, ont garni les rangs du tribunal, complet pour la première fois depuis l’ouverture du procès des assistants parlementaires des eurodéputés FN/RN. C’est au conseil de Marine Le Pen, Me Rodolphe Bosselut, qu’est revenu le privilège de clore ces audiences avec une plaidoirie très attendue, particulièrement depuis les réquisitions du 13 novembre.
Ce jour-là, le parquet a requis contre Marine Le Pen cinq ans de prison, dont deux ferme, mais aussi cinq ans d’inéligibilité – automatique selon lui en raison de la loi Sapin 2 – avec exécution provisoire, c’est-à-dire qu’elle serait appliquée même en cas d’appel.
En guise d’« observations préliminaires » qui auront duré plus d’une heure, Me Bosselut s’est longuement étendu sur l’automaticité de l’inéligibilité, presque autant de temps que pour discuter des faits de « détournement de fonds publics » et de « complicité » de ce même délit.
« Empêcher l’exécution politique de Marine Le Pen »
Comme si, davantage que la relaxe demandée, l’urgence voire le défi raisonnable de l’avocat était d’éviter que sa cliente ne puisse se présenter à la prochaine présidentielle. L’avocat l’a même glissé ce mercredi après-midi, son objectif était « d’empêcher l’exécution politique de Marine Le Pen », reprenant la rhétorique d’un procès qui serait faussé par des considérations électorales.
Pour le juriste, l’ensemble des faits reprochés ont eu lieu avant le 11 décembre, date de l’entrée en vigueur de la loi Sapin 2, qui prévoit une inéligibilité automatique en cas de condamnation pour détournement de fonds publics. Problème pour le clan Le Pen : le tribunal envisage d’intégrer dans la prévention plusieurs contrats, s’étendant jusqu’au 31 décembre, qui selon le parquet font partie d’un « système » ayant consisté à embaucher des permanents du parti comme collaborateurs parlementaires afin de les rémunérer sur les fonds publics européens.
« Comment des contrats pour lesquels n’est reconnue aucune charge vis-à-vis de son auteur peuvent être poursuivis au titre de la complicité ? » questionne alors Me Bosselut. Le tribunal, qui a déjà estimé que cela n’était pas incompatible, devra tout de même justifier de leur intégration dans le périmètre de la prévention.
Dans le cas contraire, une éventuelle inéligibilité devra être motivée. « Cela change considérablement la donne », a conclu à raison Rodolphe Bosselut. Dans un second temps, le conseil de Marine Le Pen s’est attaché à remettre en cause l’idée d’un « système » de détournement.
Une nouvelle version transmise in extremis
Selon lui, « en neuf ans d’enquête, aucune preuve n’est venue justifier que des instructions aient été données » par sa cliente pour imposer à chaque député les collaborateurs qui lui seraient attitrés afin de mieux les flécher vers le parti. C’est ce qu’aurait ordonné Marine Le Pen lors d’une réunion le 4 juin 2014. Après cette réunion, Jean-Luc Schaffhauser, nouvellement élu, écrit au trésorier Wallerand de Saint-Just que « ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs », ce à quoi le destinataire répond : « Je crois que Marine sait tout cela. »
Soudainement, ce mercredi après-midi, Me Bosselut a trouvé une nouvelle explication à cet échange de mails, loin de la version embarrassée de Wallerand de Saint-Just il y a trois semaines. Pour l’avocat, « Jean-Luc Schaffhauser a eu un entretien seul avec Marine sur le fait de trouver en priorité des assistants parlementaires internes au parti. Il lui dit que c’est de nature à créer des conflits d’intérêts, elle dit que non ». Une nouvelle version transmise in extremis au tribunal.
L’avocat n’a en revanche pas su trouver de nouveaux axes de défense pour justifier de la légalité des 8 contrats poursuivis ayant rattaché Marine Le Pen comme députée européenne à quatre collaborateurs. Il a soutenu que les tâches accomplies, y compris celle de garde du corps pour Thierry Légier ou d’assistante personnelle pour Catherine Griset, entraient bien dans le cadre d’« activités parlementaires ».
Ces trois heures de plaidoiries changeront-elles la donne ? Elles ont en tout cas relevé le niveau de la défense entendue lors des passages des autres avocats depuis deux semaines, mais aussi de l’ensemble des débats depuis deux mois. Bien que sur de nombreux arguments avancés, comme la mutualisation des collaborateurs, les juges ont déjà exprimé de sérieux doutes. Le tribunal correctionnel se laisse le temps de digérer ces longues audiences qui pourraient avoir de grandes conséquences politiques. Verdict le 31 mars.
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