Alors que le Premier ministre, Michel Barnier, reçoit les chefs de groupes d’opposition du Parlement, cette semaine, pour tenter d’écarter la menace de censure agitée par le RN, les partis politiques se déchirent autour de la stratégie à adopter.
Les brainstormings nocturnes ont repris et les tubes de Doliprane sont de sortie. Il a suffi que Marine Le Pen brandisse à nouveau la menace d’une censure du gouvernement Barnier pour qu’à gauche, comme à droite et au centre, les cadres des partis se lancent à nouveau à la recherche de la meilleure stratégie.
Faut-il ou non embarquer dans la galère et avec quel candidat ? Les mêmes questions agitent tous les états-majors excepté celui de Bernard Cazeneuve qui se prépare ostensiblement.
L’ancien Premier ministre sillonne la France. Il était vendredi à Toulouse. Il tente aussi de réunir autour de lui une majorité de gouvernement. De nombreux macronistes, surtout issus de l’aile gauche, assuraient ces derniers jours qu’un gouvernement Cazeneuve serait beaucoup plus stable qu’un gouvernement Barnier.
Encore faudrait-il qu’il soit soutenu par le parti socialiste, ce qui est loin d’être le cas.
Sur la ligne Jospin
“Doit-on présenter un candidat en cas de censure ? C’est le débat qui a agité notre réunion d’hier soir”, nous confiait, jeudi, un cadre du PS qui ajoutait : “Moi j’ai dit que j’étais sur la ligne Jospin”.
Au creux de l’été, l’ancien Premier ministre s’était étonné auprès de l’un de ses interlocuteurs que la gauche ait réclamé Matignon alors qu’elle n’était pas majoritaire à l’Assemblée. Et d’expliquer : “Vous allez devoir faire une alliance contre nature avec les macronistes”.
“Moi je ne me vois pas entrer dans un gouvernement dont Antoine Armand (l’actuel locataire de Bercy NDLR) serait le ministre de l’Économie”, assure notre interlocuteur pour qui la ligne politique des macronistes est inacceptable.
Les socialistes craignent en outre qu’une alliance avec l’ex-majorité ne pousse les Verts dans les bras de LFI. Un soutien à Bernard Cazeneuve, qui n’aura, selon notre interlocuteur “ni les verts ni FLI avec lui”, semble donc loin d’être acquis.
Compliqué de refuser
Notre député nous assure : “Moi, je propose de parlementariser la vie politique française. Le président de la République choisit qui il veut mais nous n’accepterons cette fonction que si les macronistes s’engagent à ne pas nous censurer. En contrepartie, nous nous engageons à ne pas utiliser de 49.3 jusqu’à la fin du mandat”.
Une autre piste pourrait en revanche avoir la faveur des socialistes, celle de Raphaël Glucksmann. Un élu nous le confirmait jeudi : “Glucksmann, ça n’est pas Cazeneuve, le PS le soutiendrait”.
Reste à savoir si le député européen serait prêt à accepter la proposition ? “Je lui ai parlé cet été, il m’a dit qu’il déclinerait si Macron le lui proposait, mais nous ne sommes plus du tout dans la même situation. Aujourd’hui, considérant l’urgence, il serait vraiment compliqué de refuser”, nous assure un cadre du parti à la rose.
Soutien sans participation
Coté macronistes, on cogite aussi car l’autre hypothèse qui émergeait ces derniers jours s’orientait beaucoup plus à droite.
Un conseiller ministériel nous assurait mardi : “Macron a un blocage intellectuel avec la gauche. Il se dit que s’il nomme un Premier ministre de gauche comme Cazeneuve, il peut durer. Il se dit : je me le fade jusqu’en 2027. Or il ne veut pas finir comme il a commencé, c’est-à-dire avec un Premier ministre de centre gauche. Il ne veut pas lâcher la France dans la même situation qu’il l’a prise. C’est ce que je ressens dans mes échanges avec l’Élysée”.
Et d’ajouter avec aplomb : “S’il y a censure, je suis certain que Macron renomme Barnier”. Et une ancienne ministre de nous confirmer : “Macron peut tout à fait renommer Barnier avec un gouvernement modifié”. Les macronistes planchent d’ailleurs sérieusement sur cette hypothèse qui a été évoquée en réunion de groupe.
Les marcheurs ne sont pas sûrs, en effet, de vouloir être de nouveau de la partie. “On en discute car en ce moment on a deux ministres à Bercy qui sont obligés de détricoter tout ce que l’on a fait durant sept ans ” nous explique cette députée. Le soutien sans participation serait pour l’heure la piste privilégiée même si cela revient à donner les commandes du pays aux Républicains.
De longues nuits blanches attendent encore les stratèges de la gauche et du centre.