C’est un rendez-vous international décisif qui pourrait mettre fin au fléau de la pollution plastique. À peine la COP29 sur le climat achevée en Azerbaïdjan, les représentants de plus de 170 pays se réunissent à partir de ce lundi 25 novembre à Busan, en Corée du Sud, pour une cinquième et – théoriquement – dernière session de négociations, lancées en 2022 sous l’égide des Nations unies pour l’environnement. L’objectif : aboutir, d’ici le 1er décembre, à un traité international contre la pollution plastique juridiquement contraignant pour ses signataires, et fixer les mesures pour sa ratification et sa mise en œuvre.
Un enjeu de taille puisque, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à la production de plastique. Laquelle devrait, si rien n’est fait pour l’enrayer, tripler d’ici à 2060, alors que le taux de recyclage plafonne autour de 9 %. Si un accord est trouvé, « il sera présenté pour adoption formelle et signature lors d’une conférence diplomatique, vraisemblablement au cours du premier semestre 2025 », prévoit l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Toutefois, des points d’achoppement demeurent.
Le périmètre du traité reste à confirmer
Les États négocient encore les contours du traité. D’un côté, le bloc dit like-minded (de même esprit, en anglais), qui regroupe essentiellement des pays producteurs de pétrole, la Russie et l’Iran, pousse à un accord ne portant que sur l’aval : « Aujourd’hui, un tel traité reviendrait à n’aborder les plastiques que sous l’angle des déchets et des performances de collecte et de recyclage », analyse Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques à la fondation Tara Océan. En face, les pays dits de la haute ambition, dont la France et l’Union européenne, souhaitent englober l’ensemble du cycle des plastiques et exigent une obligation de réduction de la production mondiale. Soit le cadre du mandat fixé pour ces négociations.
Un bras de fer annoncé ? Pas si sûr… « Ce qui nous manque très clairement, ce sont des signes forts de la part de la haute ambition et des actes qui crantent le niveau de la négociation, décrypte Henri Bourgeois-Costa. Mais les négociateurs de l’UE n’ont pas le mandat pour le faire. » Hors des deux camps, restent certains pays qui ne sont pas clairement engagés, dont la Chine et les États-Unis. Et l’élection de Donald Trump renforce les doutes quant à l’issue de l’accord. Le risque d’un traité au rabais est donc bien réel.
Quelle réduction des plastiques ?
Les objectifs de réduction des plastiques font également partie des entraves. Lors des dernières négociations, à Ottawa (Canada), le Pérou et le Rwanda ont proposé l’objectif de 40 % de réduction d’ici à 2040, pour revenir au niveau de 2015. « Pour la coalition d’ONG et la coalition scientifique, ce chiffre devrait être la base minimale de négociation », précise Henri Bourgeois-Costa. « Le texte ne fait aucune référence à une réduction de production de plastique en se bornant à évoquer un » niveau soutenable » de production, mais personne ne sait ce que cela veut vraiment dire », souligne un diplomate européen requérant l’anonymat, interrogé par l’AFP.
Des économistes estiment qu’une baisse de 50 % de la production de plastique d’ici à 2040 serait possible « sans impact délétère sur nos économies », étaye Henri Bourgeois-Costa, pour un coût de « 88 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale, soit 3 250 milliards de dollars par an pendant vingt-cinq ans ». Une projection « très significativement inférieure à celle de l’inaction, estimée à 148 000 milliards de dollars ». La réduction des plastiques pose en creux la question de leur usage « complètement irraisonné ».
Le plastique, c’est toxique !
Quid de la prise en compte des conséquences sanitaires du plastique ? Extraction, production, usages, déchets… les plastiques ont des impacts à tous les niveaux. Une liste de 16 000 molécules chimiques, autour de la production et de la transformation des plastiques, a été élaborée par un groupement informel de scientifiques adossé au traité.
Les informations sur leur toxicité sont disponibles pour 5 600 d’entre elles, parmi lesquelles 4 000 sont considérées comme « toxiques ». Aujourd’hui, précise Henri Bourgeois-Costa, « la communauté scientifique est très claire : les plastiques qui ne sont pas problématiques sont ceux que l’on n’a pas analysés ».
Pour l’ONG, c’est donc le principe de précaution qui devrait prévaloir. D’autant qu’« aujourd’hui, tout ce qu’on sait sur le plastique, ce sont les données issues de l’industrie ». Surtout, « le texte ne comprend toujours pas de définition de ce qu’est un plastique. Selon la façon dont on le définit, on peut englober beaucoup de choses ou à peu près rien ». Il y a là un enjeu de transparence.
Consensus large ou traité ambitieux ?
Jusqu’à présent, les documents de négociation n’emportent pas de consensus, alors que le temps presse : « Même si les négociateurs travaillent 24 heures sur 24, sept jours ne suffiront pas pour résoudre toutes les questions en suspens, quel que soit le texte utilisé comme base de négociation », anticipe l’Institut du développement durable et des relations internationales, qui veut rester optimiste : « Il est possible d’adopter un traité puissant et courageux, avec une ambition réelle et des engagements clairs, ce qui permettra de négocier ultérieurement d’autres détails au fil du temps. »
Au sein de la société civile émerge l’idée d’assurer un traité plus ambitieux en réduisant le nombre des signataires : « Est-ce qu’on a connaissance de grandes avancées environnementales, sociales, etc., faites par un consensus absolu ? J’ai beau chercher, je n’en trouve pas », justifie Henry Bourgeois-Costa. « Cela pourrait très bien être un traité de gré à gré », propose la fondation. Avec, par exemple, « des marchés qui ne sont pas ouverts aux pays non-signataires. C’est du droit facultatif qui ne s’applique qu’aux signataires ». Une manière d’avancer sur les mesures, en dépit des réticences. Comme l’a dit la directrice du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), la Danoise Inger Andersen, il y a quelques jours, ce marathon diplomatique de sept jours sera donc un « moment de vérité ».
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