Il ne suffit pas de publier un manifeste annonçant « Un nouveau départ, ensemble » pour que les problèmes se dissipent. Un peu plus de quinze jours après avoir rendu public les grands principes du renouveau espéré à People & Baby, le président de l’entreprise privée de crèches, Philippe Tapié, a dû se résoudre, mardi dernier, à placer son groupe sous protection du tribunal de commerce de Paris. Une situation qui nourrit les craintes des salariées quant à leurs emplois, elles qui ont déjà subi des retards de paiement sur leurs salaires d’octobre.
Mise en cause dans le livre Les Ogres de Victor Castanet (Éditions Flammarion), consacré aux scandales dans le secteur lucratif de la petite enfance, la société avait déjà affaire à la justice. Le Parquet de Paris a en effet annoncé la semaine dernière avoir ouvert une enquête pour « des faits d’escroqueries…, de détournements de fonds publics, d’abus de biens sociaux, d’abus de confiance, de complicité de fraude fiscale », après une plainte d’Anticor.
Saisie par la nouvelle direction de People & Baby dans le cadre d’une procédure de sauvegarde accélérée, la justice commerciale dispose, elle, de deux à quatre mois pour trouver un avenir économique viable à un groupe dont les fournisseurs tentent, pour certains, de se faire payer à coups de visites d’huissiers jusque dans les crèches. À moins que l’instance ne déclenche une vente à la découpe pour rembourser les créanciers, au premier rang desquels le fonds de dette Alcentra, devenu actionnaire majoritaire en avril dernier et qui a prêté 50 millions d’euros depuis décembre 2023 pour soutenir la trésorerie.
« retards de paiement » et « surcharge de travail »
Arrivé en avril dernier, à la suite de la révocation de son prédécesseur et fondateur, Christophe Durieux, avec la mission de redresser la situation financière, Philippe Tapié parle toujours, six mois plus tard, de « bâtir un avenir fondé sur des bases saines et solides avec comme seules priorités la qualité de l’accueil et le bien-être des enfants ». Les salariées ont du mal à le croire.
Fin octobre, nombre de ces professionnelles de la petite enfance ont constaté un versement incomplet de leurs salaires du mois : 350 euros au 1er novembre, le solde la semaine suivante. « La direction justifie ce retard (via un courrier envoyé aux salariés, N.D.L.R.) par des difficultés de trésorerie dues à des actions judiciaires de l’ancien dirigeant. Il est inacceptable que la direction actuelle se cache derrière ces explications pour minimiser ses responsabilités. Les salarié(e) s méritent transparence et respect, surtout en cette période critique », dénonçait début novembre le SNPPE.
Le syndicat national des professionnels de la petite enfance a voulu dans la foulée voir comment les promesses de changements de la nouvelle direction étaient perçues par les personnels dans les crèches. Au vu des 154 réponses obtenues à partir d’un questionnaire ouvert, le moins que l’on puisse dire est qu’il existe un fossé entre le manifeste People & Baby publié le 31 octobre par la direction, proclamant que « l’éthique est notre boussole. Chaque décision que nous prenons sera guidée par une seule et unique question : est-ce le meilleur choix pour l’enfant ? », et sa mise en pratique.
Ainsi, 53 % des répondantes ne constatent aucune différence dans les pratiques de gestion et d’accueil ; 31 % estimant même que la situation s’est dégradée (15 % voient une légère ou nette amélioration). Quant aux promesses de mieux prendre en compte les besoins des enfants, 63,6 % estiment que les nouvelles initiatives (révision de la politique nutritionnelle ou refonte des infrastructures) n’y répondent peu ou pas.
Concernant la fin de l’opacité qui régnait sous la précédente direction, les trois quarts évaluent négativement les actions menées depuis. « Nous sommes en train de tirer un trait sur les pratiques du passé. Nous construisons une entreprise où la sécurité, la bienveillance, et l’excellence sont les fondements de chaque action, de chaque décision », proclame pourtant le manifeste de l’actuel employeur. Mais les changements impulsés depuis l’arrivée de Philippe Tapié sont perçus comme « neutre » pour 43.5 % des répondants et, même, « plutôt » ou « très négatif » pour 42.2 %.
Le « changement de culture » pour que « chaque professionnel de crèche, chaque parent (ait) son mot à dire », via la nomination d’ambassadrices ou la mise en place d’une ligne de signalement anonyme, n’ont eu aucun impact pour 64,9 %, voire eu des conséquences négatives pour 18,8 %.
En contrepoint, les salariées interrogées soulignent « les retards de paiement », « la surcharge de travail », « le manque de personnel » ou « la pression excessive sur les objectifs de rentabilité ». « Nous devons parfois acheter nous-mêmes les fournitures nécessaires pour l’accueil des enfants », souligne un témoignage. Le « climat général de méfiance et de crainte de représailles » demeure dénoncé. La procédure de sauvegarde, qui pourrait ouvrir sur un redressement judiciaire, aura du mal à améliorer ce ressenti global.
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