Les révélations sont explosives. Dans un rapport très dense, publié le 14 novembre, les inspections générales des ministères de la Santé (Igas), l’Agriculture (CGAAER) et de la Transition écologique (IGEDD) le constatent : la préservation et la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides relèvent d’un « échec global ». Et ce malgré quelques progrès localisés, « d’ailleurs souvent très lents ».
Instituer une zone soumise à la contrainte gouvernementale
Les rapporteurs de l’enquête proposent « d’instituer une zone soumise à la contrainte gouvernementale » et la mise en place par arrêté d’un « programme d’action avec objectifs et indicateurs de résultats sur toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites ». Et si les objectifs de qualité ne sont toujours pas atteints, un nouvel arrêté devrait être pris afin d’instaurer sans délais « un programme de mesures obligatoires de restriction, voire d’interdiction d’usages de produits phytopharmaceutiques sur ces aires ». Une mesure que devrait être « accompagnée d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés ».
Et il y a urgence. Les inspecteurs l’affirment : « la reconquête de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine passe par des mesures préventives ambitieuses ». Parmi ces mesures, l’interdiction des pesticides sur les aires de captage d’eaux souterraines. Ceux-ci contiennent des substances « générant des métabolites à risque de migration vers les eaux dans des concentrations supérieures à la limite réglementaire », précise le rapport. Il serait aussi nécessaire « d’augmenter le taux de la redevance pour pollution diffuse » et « d’élargir son assiette aux produits biocides ».
Augmenter les moyens consacrés à la réduction des pollutions par pesticides
Pour mettre en cohérence ces mesures, les inspecteurs estiment que le plan stratégique national de la Politique agricole commune (PAC) « devrait renforcer l’accompagnement de l’évolution des pratiques » en « valorisant davantage l’agriculture biologique sur les aires d’alimentation de captage ». De même, le programme des agences de l’eau devrait prévoir l’augmentation des moyens consacrés à la réduction des pollutions par les pesticides.
Dans un communiqué, Générations Futures a salué le travail approfondi et de qualité des inspecteurs. Leur constat rejoint la position de l’association sur « l’absolue nécessité de prendre des mesures préventives urgentes et contraignantes visant à réduire, voire interdire l’utilisation des pesticides de synthèse dans les aires d’alimentation des captages ». Générations futures souligne également l’importance, pour avoir une vision la plus complète possible de l’état de la contamination des eaux par les pesticides, « d’inclure dans la surveillance de nouveaux métabolites non encore suivis et pourtant ayant la forte probabilité d’être présents dans les eaux brutes et potables, aspect absent du rapport ».
Manque de volonté politique face aux lobbies
Il y a un mois, l’association rappelait que 71 % des métabolites de pesticides à risque pour l’eau potable n’avaient fait l’objet d’aucun suivi dans les eaux souterraines ou l’eau potable. En avril 2023, un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) révélait la présence de métabolite de chlorothalonil, un pesticide interdit en France depuis 2022. Et ce dans environ un tiers de l’eau distribuée dans le pays… Par manque de volonté politique face à de puissants lobbyings, dont le syndicat agricole FNSEA, la France n’a jamais atteint son objectif de réduire de moitié l’usage des produits phytosanitaires, pourtant fixé dans des plans Ecophyto successifs depuis 2008.
Présentée en mai dernier par le gouvernement d’alors, la nouvelle mouture Ecophyto 2030 – mis en pause – qui renouvelle les objectifs avec une nouvelle période de référence (2011 – 2013) et repousse l’objectif de réduction à 2030 (contre 2025 auparavant) a par ailleurs été très décriée par les ONG environnementales. Le 13 novembre, quatre ONG dont Générations futures et Notre Affaire à tous, annonçaient avoir déposé un recours contre ce plan devant le Conseil d’État. « Comment prétendre atteindre l’objectif certes ambitieux de réduction de 50 % des pesticides sans mettre en place de politique volontariste visant à changer de modèle agricole si ce n’est en cassant le thermomètre comme a proposé de le faire le gouvernement Attal dans la nouvelle stratégie Écophyto ? Nos organisations ne pouvaient laisser faire sans agir », déclaraient alors les requérants.
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