L’alerte est lancée. « Plus de 150 000 emplois vont disparaître, probablement plus », a prévenu en fin de semaine dernière Sophie Binet, à la fois lors d’un déplacement jeudi en Isère en soutien aux salariés de Vencorex menacés de la suppression de 425 postes sur les 450 actuels, puis dans la Tribune dimanche. Si ce constat a été corroboré ce week-end par les ministres de l’Économie, de l’Industrie et du Travail, ceux-ci demeurent fidèles au côté suranné du gouvernement conservateur Barnier en faisant leur l’une des plus mémorables devises des Shadoks, héros la pop culture sous Pompidou : « En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a de chance que ça marche. »
La secrétaire générale de la CGT, qui avait présenté une carte de France des 180 plans de licenciements en cours ou craints, menaçant plus de 100 000 emplois directs et indirects, essentiellement dans l’industrie, constate que de nouveaux points rouges s’y sont ajoutés à vitesse grand V. Les 1 254 suppressions d’emplois annoncées la semaine dernière par Michelin dans ses sites de Vannes (Morbihan) et Cholet (Maine-et-Loire) corroborent les funestes prévisions de la CGT, lors du Mondial de l’auto, d’une casse sociale en cours dans la branche. Avec trois plans sociaux coup sur coup à Casino, Cora puis, mardi 5 novembre, à Auchan, la grande distribution rejoint depuis la rentrée le club des secteurs qui débauchent massivement.
« Tous les secteurs sont impactés »
De même que la chimie, dont la fédération patronale craint la perte de « 15 000 emplois » en trois ans, soit 8 % de la branche. « Tous les secteurs sont impactés », prévient Sophie Binet, exemple du CCF, ex-HSBC France, à l’appui, qui prévoit la suppression d’un tiers de ses effectifs (environ 1 000 emplois). « Ces dernières semaines, la catastrophe sociale s’accélère car il y a un effet domino sur toute la chaîne de sous-traitance. (…) Nous sommes au début d’une violente saignée industrielle… »
Le gouvernement ne nie pas. « Des annonces de fermetures de sites, il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent », a reconnu sur France Inter, samedi, Marc Ferracci, pour qui le bilan social « va se compter en milliers d’emplois ». La veille, lors de sa visite à Michelin Cholet, le ministre de l’Industrie s’était fait huer par les salariés en grève après leur avoir promis non pas de tout faire pour que Bibendum revienne sur sa décision de fermeture de ses deux usines du Grand Ouest, mais « beaucoup de moyens » pour accompagner les salariés vers France Travail.
« Notre stratégie consiste évidemment à protéger l’existant, c’est-à-dire essayer d’éviter tant qu’il est possible les plans sociaux et les fermetures de sites, mais aussi à créer les conditions pour que de nouveaux emplois se créent et pour que de nouveaux investissements viennent sur notre territoire », s’est-il ensuite repris.
La faute à l’Europe et à la Chine ?
Lui aussi velléitaire, le ministre de l’Économie Antoine Armand a pris son air le plus docte pour mettre en cause la Chine et renvoyer ainsi la patate chaude sociale vers l’Union européenne. « Nous sommes dans une conjoncture internationale extraordinairement exigeante avec le coût des matières premières, la question de l’énergie, des pratiques commerciales agressives venues de beaucoup de pays et donc il faut qu’on ne soit pas du tout naïfs, il faut qu’on soit extrêmement fermes et extrêmement exigeants vis-à-vis des autres plaques continentales qui viennent créer de l’instabilité et créer de la fragilité », expliquait, extrêmement convaincu, le locataire de Bercy en marge du salon Made in France, samedi.
Car la France fait tout bien. Foi de ministre du Travail. « Ces fragilités exigent de poursuivre une politique de l’offre qui a donné de bons résultats : stabilité fiscale globale, accompagnement face aux mutations économiques, réponse de fermeté européenne face à une concurrence accrue et parfois déloyale de concurrents chinois ou indiens, allègement des contraintes liées à la surtransposition des textes européens », assure Astrid Panosyan-Bouvet… dans le Journal du dimanche.
A contrario, Sophie Binet demande « un moratoire sur les licenciements » pour « permettre aux salariés, aux pouvoirs publics, aux collectivités locales, aux directions de trouver des alternatives, des repreneurs, de reconvertir les activités… ». Au vu des menaces sur les usines Solvay à Salindres (Gard, 68 postes menacés sur 98) ou Vencorex (Isère), Serge Allègre, secrétaire général de la CGT chimie, ajoutait jeudi une autre proposition : « 175 milliards d’euros sont distribués généreusement chaque année aux entreprises sans contreparties. La moindre d’entre elles serait d’imposer que les entreprises maintiennent l’emploi. »
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