Vannes (Morbihan), correspondance
Des effluves de pneu cramé, comme décor d’une lutte qui débute. Ce vendredi 8 novembre, plusieurs dizaines de salariés et militants syndicaux sont rassemblés devant l’usine Michelin de Vannes (Morbihan) en réponse à la fermeture future du site prévue d’ici 2026. Le couperet est tombé ce mardi 5 novembre, après que la direction du groupe d’équipementier automobile a annoncé mettre fin à l’activité de deux sites majeurs en France, dont celui de Cholet. La raison avancée ? « L’effondrement » des ventes de pneus pour camions et camionnettes face à la concurrence asiatique. Le même argument était déjà brandi en 2019 lors de la fermeture du site de La Roche-sur-Yon (Vendée).
« Les fermetures ne sont pas inéluctables »
À Vannes et à Cholet, 1 250 salariés sont concernés. Ils sont près de 300 en Bretagne, sans compter les sous-traitants (service de nettoyage, sécurité, etc.). Stéphanie Schlosser, représentante des salariés pour la CGT, est amère. « On nous disait de ne pas nous inquiéter sauf que nous, on voyait bien qu’il y avait une baisse d’effectifs, de production » . Vingt ans qu’elle et son mari y travaillent. Leur vie s’est construite ici, au long cours, semble se briser : « C’est un choix stratégique de l’entreprise, purement financier, rien de plus. La direction ne pense pas aux familles concernées. »
Plusieurs élus et syndicalistes de premier plan ont fait le déplacement pour soutenir les salariés. Sophie Binet estime que « Michelin n’est pas l’entreprise sociale qu’elle prétend être. Il n’y a pas de problème de concurrence extérieure et non, le groupe n’a pas de difficultés économiques. » Le leader mondial de la fabrication de pneumatiques a en effet annoncé des bénéfices de 3,4 milliards d’euros en 2023. Une situation inacceptable pour la secrétaire générale de la CGT qui appelle à une mobilisation nationale pour l’emploi et l’industrie le 12 décembre.
Présente elle aussi, la prétendante du Nouveau front populaire (NFP) à Matignon durant l’été, Lucie Castets, estime que « les fermetures successives d’usines ne sont pas inéluctables. Y compris dans des secteurs qui sont rentables et qui, on l’a vu, reçoivent massivement de l’aide publique. On ne peut pas adopter une posture attentiste. »
La gauche demande l’ouverture d’une commission d’enquête et vise les aides versées à Michelin
C’est le principal grief à l’encontre des différents gouvernements de l’ère Macron : ne pas être assez ferme face aux licenciements massifs et aux restructurations décidés sur le sol français par des entreprises pourtant lourdement subventionnées. À l’initiative des députés Insoumis, Clémence Guetté et Manuel Bompard, la gauche demande désormais la création d’une commission d’enquête sur « l’utilisation des fonds publics par l’entreprise Michelin ».
En attendant, face aux salariés de l’usine vannetaise, les élus présents égrènent leurs propositions façon programme de campagne. L’objectif est de démontrer que la désindustrialisation n’est pas une fatalité et qu’une alternative politique est possible. L’écologiste Charles Fournier annonce par exemple qu’il déposera prochainement une proposition de résolution visant à améliorer la transparence des aides publiques versées aux entreprises.
La veille, le député François Ruffin avait de son côté demandé à ce que soit refusée l’homologation du plan social prévu par Michelin. C’est que la stratégie économique du soi-disant fleuron de l’industrie française interroge. Plus tôt dans l’année, Michelin s’était vanté d’avoir mis en place un « salaire décent » pour les 132 000 salariés du groupe. Au courant de l’été, l’équipementier s’était aussi réjoui d’une nouvelle réglementation européenne visant à améliorer la durée de vie des pneus vendus sur le marché, après des années de lobbying. Viser le haut de gamme pour concurrencer la production asiatique, un mirage ?
« Interdire les licenciements boursiers »
Pour Gérard Lahellec, sénateur communiste des Côtes-d’Armor, la situation n’est plus tenable. « Au-delà de la seule entreprise Michelin, c’est tout ce qui fait l’activité industrielle de la région qui est en jeu. » Face à un scénario qui se répète année après année, l’élu PCF estime qu’ « il faut interdire les licenciements boursiers, c’est aussi simple que ça. (…) Je n’ai entendu personne dire que Michelin avait raison, que cette restructuration est justifiée. J’ai la conviction qu’un mouvement émerge et qu’il peut devenir majoritaire. »
Malgré ces perspectives mise sur la table par la gauche, la représentante du personnel CGT Stéphanie Schlosser est de celles qui ne croient pas à la survie de l’usine vannetaise. « Ça fait chaud au cœur d’être autant soutenu mais, pour moi, il est temps de tourner la page. » Les salariés Michelin, eux, ne sont pas encore rayés de la carte.
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