À quelques pas de la Bourse de Paris, rue Feydeau, les salariés de l’entreprise d’excursions touristiques à vélo Orange Fox Bike, sont rassemblés ce jeudi 31 octobre devant leur lieu de travail pour faire valoir leurs droits. Les travailleurs, tous réfugiés russes ou ukrainiens, ont engagé un mouvement de grève depuis le mercredi 23 octobre, après avoir réclamé durant des mois des contrats de travail, en vain.
Les uns ont fui la guerre en Ukraine, les autres la répression du pouvoir russe. Ils sont 8 salariés sur 10 à être entrés en grève le mercredi 23 octobre. « Les 2 autres ont peur d’être renvoyés de France, et ont absolument besoin de ce travail financièrement », explique Vladyslav, technicien au sein de l’entreprise, lors du rassemblement 31 octobre. Pourtant, du manager au technicien, en passant par les guides touristiques, aucun ne possède de contrats de travail depuis qu’ils ont commencé à travailler. L’entreprise Orange Fox bikes Paris a ouvert au printemps dernier. « À chaque fois que l’on a demandé des contrats, ils ont repoussé, et ont continué de nous payer en liquide » s’agace le travailler. Alors que beaucoup d’entre eux ont besoin de contrat et de fiche de paie, pour régulariser leur situation sur le territoire français.
« Cela fait des mois que je travaille 7 jours sur 7, parfois jusqu’à 10 heures »
Bogdan, militant anti-guerre, a fui la répression en Russie. Alors étudiant exilé en France, il survit financièrement grâce à son travail de guide touristique à Orange Fox Bikes. Seulement, à mesure qu’il a réclamé des contrats de travail, le salarié a constaté une diminution de son salaire : « Nous avons décidé de nous mobiliser car la direction nous payait 20 euros pour un tour de 3 heures. Ça ne fait même pas 7 euros l’heure. » En l’absence de contrats, les salariés se retrouvent sans protection. « Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas eu d’accidents, mais à vélo à Paris, ça peut très vite arriver », s’inquiète le réfugié russe. Aussi, son collègue Vladyslav, a lui, observé son volume horaire exploser. Après les jeux olympiques, trois de ses collègues techniciens ont été licenciés. Il ne restait plus que le réfugié russe pour réparer les vélos. « Cela fait des mois que je travaille 7 jours sur 7, parfois jusqu’à 10 heures, c’est insoutenable ». Son salaire n’a pas pour autant augmenté. « Je suis payé 1500 euros par mois. La direction m’a fait comprendre que je pouvais partir si je n’étais content », confie-t-il.
La nécessité de faire respecter la loi
Un simili de négociation a été entamé au deuxième jour de grève avec une direction à distance siégeant à Barcelone. L’employeur a proposé aux grévistes un CDD de 20 heures par mois. Cela n’a pas manqué d’étonner Bogdan : « C’est ridicule, je travaille en moyenne 20 heures par semaine, compte-t-il encore nous payer en liquide pour les heures non déclarées ? ». La proposition a donc été refusée par les grévistes. Mais « la direction a menacé samedi de fermer la boîte et d’engager des poursuites pénales contre nous », explique un participant à la mobilisation du jour.
Un chantage dénoncé par Rémy Frey, secrétaire générale de l’union syndicale CGT Commerce de Paris qui fustige « l’utilisation cynique des salariés en situation précarité ». Micro à la bouche, le syndicaliste pointe « la parfaite conscience de l’employeur sur la situation puisqu’il a proposé un simili de contrat au début de la grève ». Et d’ajouter qu’il « est nécessaire de faire en sorte que la législation soit respectée ».
Alors que les salariés sont en grève depuis plus d’une semaine, l’inspection du travail ne s’est toujours pas rendue sur place. Si la direction s’obstine à ne pas établir de contrats de travail, les salariés épaulés par la CGT, sont prêts à user de tout l’arsenal juridique. « Nous attendons impatiemment l’inspection du travail pour constater le travail dissimulé » espère Rémy Frey. Le cégétiste ne la blâme pas pour autant. Il regrette surtout la baisse des moyens alloués à cet outil de contrôle
Sur place, Arnaud Le Gall, député de la France insoumise insiste également sur « l’urgence de mettre les projecteurs sur cette situation ». Si le parlementaire est présent au rassemblement, c’est pour soutenir certains travailleurs qu’il connaît. « Certains d’entre eux sont arrivés en France le 25 octobre 2022 car ils sont des opposants russes de la guerre en Ukraine, explique-t-il. Ce sont des travailleurs de deux pays en guerre, qui font front commun pour leurs droits ». En attendant qu’une digne réponse leur soit apportée, une caisse de grève ouverte par la CGT a vu le jour. Et au syndicat de promettre de futurs rassemblements.