Comment résorber le trou de la Sécurité sociale, creusé par des années d’exonérations de cotisations ? Le gouvernement Barnier répond en s’attaquant aux plus fragilisés dans l’accès aux soins. Alors que l’examen du projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a débuté ce lundi 28 octobre au Parlement, les députés auront à cœur de se pencher sur une mesure qui fait débat : le relèvement du ticket modérateur sur les consultations des médecins et des sages-femmes.
L’exécutif espère dégager 1,1 milliard d’euros d’« économies » pour l’assurance-maladie en augmentant la part du reste à charge pour les mutuelles ou complémentaires santé. Celle-ci passerait de 30 à 40 %.
Problème ? Cette pratique laisse à craindre un renchérissement des tarifs des mutuelles. « Nous n’avons pas les moyens d’assumer une telle décision sans répercuter des coûts sur les cotisations des assurés, explique Pascale Vatel, secrétaire générale des Fédérations des mutuelles de France. Si nous ne le faisons pas, nous risquons d’être étranglés financièrement. »
14 euros de reste à charge
Le 19 décembre 2023, la Mutualité française alertait déjà sur les hausses des tarifs à hauteur de 8,1 % à prévoir pour 2024 du fait de l’augmentation des dépenses de santé et des réformes imposées par le gouvernement (dont la hausse du ticket modérateur sur les soins bucco-dentaires).
Les assurés sont les premiers à pâtir de ces hausses. « En tenant compte de l’augmentation récente des franchises sur les consultations, le reste à charge d’une consultation payée 30 euros sera de 14 euros, soit une diminution à 54 % de la couverture par l’assurance-maladie », dénonce la Fédération française des médecins généralistes.
Mais pis encore pour les trois millions de Français démunis de complémentaire santé (selon une étude de la Drees en 2019). « Cela va entraîner des renoncements au soin pour les ménages les plus précaires, qui n’ont déjà pas les moyens de se payer des mutuelles », juge Nathalie Coutinet, économiste de la santé.
Pour la chercheuse au Centre d’économie de l’université Paris-Nord, le gouvernement cherche à ramener de l’argent dans les caisses de la Sécu en « répondant à une logique libérale ».
« Il se dit que si les patients doivent eux-mêmes mettre la main à la poche, ils devraient réaliser moins de consultations. Mais il se trompe, analyse l’économiste. Une personne malade qui se prive d’aller chez le médecin mais qui plus tard se découvre un cancer à un stade avancé devra tout autant aller consulter et cette fois-ci pour une dépense beaucoup plus importante. »
Socle commun minimal
Tout serait donc justifiable au nom de l’austérité. Pourtant, ce n’est pas avec son 1,1 milliard d’euros d’économies sur le dos des plus vulnérables que le gouvernement atteindra ses 60 milliards d’économies espérés. « À terme, l’exécutif espère rendre la part des mutuelles et des complémentaires santé plus importante que la Sécurité sociale. Elle ne servirait plus que d’un socle commun minimal. Les plus riches pourront se procurer des mutuelles plus avantageuses que les plus précaires. Sans parler des retraités, qui paient déjà très cher leurs contrats », analyse Fabienne Clamens, de la fédération CGT des organismes sociaux.
Sentant le vent tourner, la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, interrogée samedi par France Culture, n’a pas tardé à revenir sur la position du gouvernement en annonçant que ce dispositif pourrait finalement ne pas être intégré au PLFSS : « Je travaille à faire en sorte qu’on ne l’active pas de la façon dont c’était potentiellement prévu. » Reste que pour l’heure, les promesses n’engagent que ceux qui les croient.
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