Depuis une salle de visioconférence, l’ancienne eurodéputée RN Marie-Christine Boutonnet n’a pas l’intention de faciliter le travail du tribunal. À la présidente, souhaitant connaître le montant de ses pensions de retraite, elle déclare « Ça ne vous regarde pas ».
Puis lâche à son avocat, présent à ses côtés : « Elle me fait chier. » Bénédicte de Perthuis préfère en rire, « Elle est finalement assez en forme Mme Boutonnet », sourit la présidente à propos de l’ex-cadre du Front national, dispensée de se rendre à Paris pour raisons de santé, dans le cadre du procès sur les emplois fictifs présumés des assistants parlementaires FN/RN au Parlement européen.
Les nerfs de l’ex-eurodéputée ont-ils lâché ? Cette sortie insultante a eu lieu, lundi 28 octobre dans l’après-midi, après son audition, ainsi que celle de son ancien assistant parlementaire, Charles Hourcade. Des interrogatoires évacués en un temps record, sans doute symptomatique d’une certaine évidence quant à l’illégalité du contrat les reliant.
En effet, Charles Hourcade, graphiste embauché par le FN quelques mois avant de signer, en juin 2014, un contrat d’assistant parlementaire, a avoué que ses tâches n’avaient « pas changé ». Signe qu’il travaillait pour le parti plus que pour son élue.
« J’étais sous les ordres de Florian Philippot »
Marie-Christine Boutonnet ne l’a pas nié non plus, se contentant d’expliquer que son collaborateur officiel devait, en théorie, être « en charge de la fabrication d’un journal mensuel » rendant compte de ses activités parlementaires. Un outil de communication qui n’a jamais vu le jour.
« Pour Mme Boutonnet, j’étais sous les ordres de Florian Philippot, en attente des briefs (éléments que devait communiquer la députée dans le but de produire le journal, NDLR) », a également reconnu le graphiste.
Par ailleurs, Charles Hourcade a eu les plus grandes difficultés à expliquer pourquoi il n’a eu qu’un échange de mail avec sa députée (demande d’envoi d’un CV de 2013, afin d’être transmis au Parlement européen, qui commençait à douter).
Ou pourquoi, dans le même temps, il répond favorablement à plusieurs demandes de Mathilde Androuet (actuelle eurodéputée), alors assistante parlementaire de Florian Philippot, le supérieur de Charles Hourcade au sein du Front national en tant que vice-président chargé de la communication.
Cafouillages et bafouillages
En octobre 2014, ce dernier reçoit un courriel d’un collaborateur parlementaire de l’eurodéputée Marine Le Pen lui demandant de réaliser un montage vidéo. Il demande à Mathilde Androuët s’il doit effectuer cette tâche, laquelle lui suggère de répondre : « Normalement je travaille pour la vice-présidence à la communication ».
Pour le parquet, cet échange de mails prouverait que Charles Hourcade ne recevait pas ses ordres de sa députée Marie-Christine Boutonnet mais du cabinet de Florian Philippot, et que ses tâches ne concernaient que le parti.
Le prévenu, à son tour, a alors perdu ses moyens. Pas en s’énervant – comme Marie-Christine Boutonnet et son langage fleuri ou ses prédécesseurs à la barre Marine Le Pen et Bruno Gollnisch – mais en bafouillant, en répondant à côté, ou tout simplement en restant muet.
« On m’a demandé, je l’ai fait »
Sur son contrat, pourquoi le lieu de travail indiqué est-il le domicile de sa députée, à 600 kilomètres du sien ? « J’ai été un an au chômage, j’étais très content de retravailler et n’ai pas fait attention aux détails du document ».
Qui le rémunérait directement ? Le Parlement européen, la parlementaire, le parti ? « Je ne sais pas. » Pourquoi a-t-il, à la fin de son contrat, accepté sans problème de rédiger une lettre de démission ? « On m’a demandé, je l’ai fait. »
À l’issue de cet interrogatoire, des plus laborieux, Charles Hourcade s’est assis sur le banc des prévenus, en restant plusieurs secondes la tête enfouie entre ses mains. Comme la quasi-totalité des auditionnés depuis le 30 septembre – à l’exception de Marine Le Pen faisant preuve de beaucoup d’aplomb -, il est ressorti de son audition comme KO, voyant qu’aucun axe de défense ne faisait mouche, au contraire des éléments apportés par l’accusation.
Un calvaire pour les prévenus du RN, qui s’est poursuivi lundi par les auditions de Dominique Bilde et Loup Viallet, avant celle du maire de Perpignan Louis Aliot, attendu ce mardi.
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