Les discussions entre la direction de Michelin et l’intersyndicale (CGT, SUD, CFE-CGC et FO) sont au point mort. Les représentants syndicaux ont annoncé qu’ils refusaient désormais de participer aux réunions avec la direction du leader mondial de fabrication des pneumatiques. En cause : l’absence de réponses quant à l’avenir des sites de Cholet (Maine-et-Loire), Vannes (Morbihan) et Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), où travaillent respectivement 968, 300 et 163 salariés.
L’intersyndicale réclame depuis plusieurs mois des éclaircissements sur la situation de ces trois usines. Dès avril, le comité social et économique (CSE) avait activé un droit d’alerte, une procédure permettant de demander des explications formelles à la direction en cas de menace pesant sur la pérennité des emplois ou de l’activité. Cette mesure a été motivée par la baisse continue de la production observée dans ces trois sites, amenant les syndicats à solliciter les intentions de la direction.
Faute de réponse concrète, le CSE central a mandaté en juin le cabinet indépendant Secafi, spécialiste des instances représentatives du personnel, pour mener une étude approfondie sur l’état des usines concernées. Le rapport remis par l’expert a confirmé les inquiétudes.
Sur le site de Vannes, la production a chuté de 40 % entre 2021 et 2025, une tendance similaire étant observée à Cholet entre 2019 et 2025. Quant à l’usine de Joué-lès-Tours, elle a perdu la moitié de sa production de tissus. À la lumière de ces données, le CSE a voté à l’unanimité en faveur de la prolongation du droit d’alerte, entraînant la saisie du président du groupe, Florent Menegaux.
Inquiétude des salariés
La direction a réagi dans les jours suivants, mais de façon jugée insuffisante par les syndicats. « La direction nous a indiqué qu’elle réfléchissait à proposer une date de réunion dans la semaine prochaine. Mais ils n’ont pas pris la mesure de l’urgence. Ils veulent gagner du temps alors que les salariés sont en souffrance », déplore Nicolas Robert, représentant Sud au CSE central. Le blocage des discussions a donc été décidé par l’intersyndicale comme une nouvelle forme de pression sur la direction.
Alors que ces trois sites ont déjà subi une réduction de leurs effectifs allant de 28 à 35 %, les salariés craignent que la baisse de production entraîne une nouvelle casse sociale, voire une fermeture complète de leurs usines. « Les salariés sont laissés dans un désarroi complet. Ils interprètent tout de façon extrême et pensent que la moindre réunion est pour annoncer la fermeture », témoigne David Goubault, secrétaire CGT à Cholet.
Une inquiétude qui dépasse les seuls sites de Cholet, de Vannes et de Joué-lès-Tours. L’ensemble des salariés du groupe Michelin est en alerte, notamment sur les sites du Puy-en-Velay (Haute-Loire) et de Troyes (Aube), également touchés par une baisse de production. « Même dans le secteur tertiaire, on a une inflation de la demande d’accompagnement », souligne José Tarantini, délégué central CFE-CGC, car « une diminution de la production de pneus entraîne inévitablement des suppressions d’emploi dans nos services ».
Ce refus d’informer semble en décalage avec l’image que Michelin s’efforce de projeter. « La direction se présente comme un employeur modèle, mais refuse de clarifier les conséquences de ses choix stratégiques », critique José Tarantini. En avril, le groupe communiquait sur ses « innovations sociales », mettant en avant le concept de « salaire décent » pour améliorer le niveau de vie des salariés.
Mais, pour Nicolas Robert, ces annonces préparaient déjà les salariés aux restructurations qui vont certainement advenir. « Cela fait des mois qu’on nous prépare à des pertes d’emploi, en nous répétant que l’entreprise a toujours su s’adapter, que c’est un organisme vivant et que le groupe accompagne les salariés individuellement. »
Les choix de la direction pointés du doigt
Si les syndicats admettent le contexte difficile du marché de l’automobile au niveau européen pour expliquer la baisse de production, ils pointent également les choix stratégiques opérés par le groupe Michelin, accusé de privilégier la délocalisation vers des pays à faible coût salarial. « À Cholet on a cette année 5 ou 6 milliards d’investissement, contre 95 milliards d’euros dans une entreprise polonaise qui fabrique exactement les mêmes produits », dénonce David Goubault. Un choix d’autant plus incompréhensible selon lui que Michelin enregistre des résultats financiers records. « Année après année, nous battons des records de chiffre d’affaires », poursuit-il.
Les difficultés du marché de l’automobile devraient donner lieu à des réflexions au sujet de la reconversion des usines en baisse de production, défend l’intersyndicale. Des réflexions auxquelles elle entend participer, pour proposer des alternatives qui permettraient de préserver les emplois.
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