Tandis que le Premier ministre Michel Barnier et son ministre de l’Intérieur sont arrivés ce vendredi à Menton pour évoquer les moyens de renforcer les contrôles aux frontières, avec deux ministres transalpins de Georgia Meloni, des députés Renaissance ont écrit à Bruno Retailleau pour déplorer une « baisse des crédits liés à la lutte contre l’immigration irrégulière ».
Les autorisations d’engagement, la limite supérieure des dépenses pouvant être financées par l’État, vont en effet passer de 300 millions d’euros en 2024 à 173 millions en 2025, selon des documents de Bercy, consultés par l’AFP. Soit « une baisse de plus de 40 % », déplorent les députés Mathieu Lefèvre et Charles Rodwell, qui « ne permettra ni de tenir la trajectoire d’augmentation de la capacité des centres de rétention administrative à 3 000 places d’ici à l’année 2027, ni de prolonger la durée de rétention maximale pour les étrangers les plus dangereux », que M. Retailleau appelle pourtant « de (ses) vœux », soulignent-ils en lui demandant une « réunion de travail ».
Des pistes d’économies incertaines et inhumaines
La série d’annonces répressives destinées à complaire au Rassemblement National se résumerait-elle à des « coups de menton » dont Bruno Retailleau n’a pas mesuré le coût faramineux ? Rappelons que chaque expulsion coûte au minimum 11 000 euros d’argent public.
En réponse, l’entourage du ministre de l’Intérieur évoque des pistes d’économies, notamment au détriment des demandeurs d’asile, dont les demandes seraient plus vite examinées par l’Ofpra, réduisant d’autant la durée de leur allocation. Il est également prévu « d’optimiser » les places en hébergement d’urgence en réduisant les places occupées « indûment » par les déboutés du droit d’asile.
Dans le même temps, le gouvernement « étudie la possibilité d’envoyer des demandeurs d’asile en dehors de l’UE », a confirmé sa porte-parole Maud Bregeon, le 17 octobre. « C’est une volonté portée par le ministre de l’Intérieur », a-t-elle affirmé sur Sud Radio. L’idée est inspirée par la cheffe du gouvernement italien d’extrême droite, Giorgia Meloni, qui a signé un accord avec l’Albanie (en violation des règles internationales) afin d’y faire enfermer des demandeurs d’asile le temps de l’étude de leur demande.
D’une durée de cinq ans, son coût pour Rome est estimé à 160 millions d’euros par an. Les premiers exilés arrêtés dans les eaux italiennes sont arrivés le 16 octobre à Tirana, où leur demande d’asile sera externalisée : une quinzaine d’hommes originaires d’Égypte et du Bangladesh sont détenus en vertu d’une mesure de rétention administrative décidée par le préfet de Rome, dans des préfabriqués de 12 m² entourés de hauts murs et de caméras et surveillés par la police, dans l’attente du traitement de leur demande d’asile.
Si cette dernière est refusée, des cellules ont été installées dans le camp, en attendant de les renvoyer dans leur pays d’origine. Les centres devraient avoir une capacité d’accueil de 1 000 places dans un premier temps, puis 3 000 à terme.
Un traitement plébiscité par Ursula von der Leyen. La Présidente de la Commission européenne a adressé aux dirigeants européens un courrier dans lequel elle les invite à « explorer » des « solutions innovantes », comme des « hubs de retour », le terme utilisé pour désigner des centres d’accueil en dehors de l’Union européenne où seraient renvoyés les migrants.
Les exilés transférés en Albanie vont rentrer en Italie par décision de Justice
Reste le droit. Parmi les seize premiers migrants arrivés mercredi en Albanie, quatre ont immédiatement été ramenés en Italie, deux affirmant être mineurs et deux autres ayant besoin de soins médicaux. Et un tribunal de Rome vient d’invalider la rétention des 12 autres demandeurs d’asile.
Les juges ont invoqué un récent arrêt de la Cour européenne de justice sur les pays de provenance considérés « sûrs » par les pays d’accueil. Car si l’Italie a récemment étendu la liste des pays d’origine « sûrs », définis comme des États où il n’y a pas de persécution, de torture ou de menace de violence aveugle, à 22 pays, cette liste comprend des pays dont certaines régions ne sont pas jugées « sûres ». Or la Cour européenne de justice estime que les États membres de l’UE ne peuvent désigner comme sûrs que des pays entiers, et non des parties de pays.
Les douze personnes déportées en Albanie devraient donc être retransférées en Italie. « Le spectacle médiatique organisé par le gouvernement Meloni se heurte au droit national et international », s’est félicité sur X l’ONG Sea-Watch Italy, qui secourt des migrants en Méditerranée. Déjà en 2022, le Royaume-Uni avait tenté de lancer un accord du même type avec le Rwanda, avant de finalement l’abandonner. La France veut-elle vraiment se lancer dans ce type d’aventure aussi inhumaine que coûteuse, au risque de sombrer dans le ridicule ?
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