L’alerte à la bombe qui a perturbé le trafic des RER parisien n’a pas arrêté les 110 militants CFDT présents ce vendredi devant le tribunal judiciaire d’Évry. Sur les vestes orange, les noms des magasins et leurs villes accompagnent le logo du syndicat. Des quatre coins de l’Hexagone, ces salariés de la grande distribution sont venus soutenir la procédure intentée par leur syndicat contre Carrefour et sa nouvelle vague de mise en location-gérance de 39 magasins.
« Ce système est un plan social déguisé » analyse Erwanig Le Roux, délégué syndical à Carrefour. « Les salariés perdent énormément d’avantages sociaux lorsqu’un magasin passe en location-gérance. Nous avons calculé qu’ils perdent 2 500 euros à l’année entre les primes de vacances, les intéressements, l’augmentation de la mutuelle… » Une perte conséquente pour 4 300 salariés des 39 magasins touchés par cette nouvelle vague actuelle de cession de magasins par Carrefour. Selon Erwanig Le Roux, « depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard à la tête du groupe en 2017, 27 000 salariés sont passés en location-gérance, avec des conséquences lourdes à chaque fois ».
« Les employés pleurent en apprenant le changement »
Marlard Arnault craint justement ce changement. Son magasin à Étampes (Essone) fait partie du lot. Depuis l’annonce, « il y a de l’angoisse et des pleurs chez les collègues ». Pour ce travailleur et ses 170 collègues, dont certains sont à ses côtés, « même en sachant que cette politique est en place dans le groupe depuis plusieurs années, le vivre, c’est vraiment difficile ».
Ayant appris le nom de leur repreneur, ils ont contacté d’autres magasins du groupe dont la gestion lui a déjà été cédée, pour savoir à quelle sauce ils allaient être mangés. « Il y a beaucoup de choses qui changent, notamment sur les effectifs, déplore Marlard Arnault. Des magasins sont passés de 450 employés à 280, 300 à 222. Il y a aussi un rythme de travail plus soutenu avec du flicage de la part de la direction ». En plus des dégradations des conditions de travail, il appréhende les pertes d’avantages sociaux négociés au préalable.
« Nous avions 3 jours de carence sous Carrefour. Là on passera à 7, ce qui fait que si l’on tombe malade pendant une semaine, on a 350 euros en moins ». Pour échapper à cette transition, les représentants du personnel ont demandé une expertise risques graves SSCT (sécurité, santé physique et mentale), « contestée par Carrefour ».
Ce sort tant redouté, Isabelle Martins le connaît depuis deux ans. Passée en location-gérance avec son magasin d’Anglet (Pyrénées-Atlantiques), la vendeuse est venue apporter son soutien à ses camarades sur qui pèse la menace du nouveau système. « J’ai perdu presque 750 euros par mois », déclare-t-elle avec émotion. Dans son magasin, les effectifs sont passés de 349 à 288 salariés.
De surcroit, elle dénonce « les repreneurs qui ne respectent pas la loi. Depuis que nous sommes passés sous ce modèle, nous n’avons pas négocié de NAO (négociations annuelles sur les salaires et conditions de travail) ! On nous refuse tout dès que nous voulons négocier. Je ne veux pas que ça arrive à d’autres magasins. Alors je manifeste aujourd’hui ».
« On est plus considérés comme salariés Carrefour »
Ce système de location-gérance est largement utilisé par Carrefour. Il permet au groupe présidé par Alexandre Bompard d’enjoliver ses résultats, en externalisant les contrats de travail à un employeur locataire-gérant, tout en conservant les actifs des murs et du fonds de commerce. Au total, 344 magasins (95 hypers et 249 supers) et leurs 27000 salariés ont déjà été externalisés depuis 2018, selon la CFDT service.
« Il ne restera plus que 106 magasins intégrés Carrefour après cette nouvelle vague » analyse Erwanig Le Roux. « On a beau avoir l’uniforme avec le logo Carrefour, quand on fait partie d’un magasin en location-gérance et qu’on appelle le groupe, on a été effacé d’un clic », déplore Isabelle Martins. Les manifestants CFDT espèrent que leur plainte sera prise en compte au plus vite par la justice.
Après les audiences commencées au tribunal judiciaire d’Évry ce vendredi, ils attendent une décision en avril. « Nous allons aussi assister à l’assemblée générale des actionnaires le 28 mai » ajoute Erwanig Le Roux. « Nous allons acheter des actions et exposer à M. Bompard que ce système, de cette manière n’est pas viable. Parce que derrière leurs décisions, il y a des dizaines de milliers d’humains qui sont impactés ».
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !Je veux en savoir plus.