Lubrizol est restée dans les mémoires pour l’incendie qui s’était déclaré dans son usine classée Seveso de Rouen et du Petit Quevilly. Cinq ans et demi plus tard, la société refait parler d’elle, cette fois pour une catastrophe sociale. À la suite d’un comité social d’entreprise extraordinaire, Lubrizol France a annoncé, ce jeudi 6 février, « une restructuration de ses activités », notamment au siège social et sur le site de production de Rouen/Petit-Quevilly où 145 postes sur les 367 existants sont menacés.
« 169 postes seraient supprimés en France » selon un communiqué publié par la métropole de Rouen Normandie, pour soutenir les salariés. Francis Malandain, élu CFE-CGC de l’usine de Rouen a accusé ce vendredi sur France Bleu « une réunion d’une rare violence entraînant beaucoup d’incompréhension chez les salariés ».
L’entreprise a argué d’un projet qui aurait « pour objectif de faire face aux surcapacités de production » du marché européen des « additifs » qu’elle produit à Rouen. 10 % de l’activité du site rouennais seront délocalisées : 3 % vers Le Havre et 7 % vers un site hors d’Europe. Un choix dénoncé par plusieurs élus de la métropole, dont le maire PS de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, qui regrette « le manque d’anticipation sur la nécessaire transition écologique de cette industrie, et la délocalisation d’une partie de la production dans des pays moins exigeants en termes de normes environnementales. »
« 361 millions de bénéfices » ces 5 dernières années
Dans un courrier commun adressé au premier ministre François Bayrou, la sénatrice PCF de Seine-Maritime Céline Brulin et ses collègues députés Édouard Bénard et Jean-Paul Lecoq, dénoncent le choix de Lubrizol de sacrifier des emplois « pour remédier à des fluctuations des marchés (…) et palier aux erreurs stratégiques d’une direction visiblement plus préoccupée ces dernières années à distribuer des dividendes à ses actionnaires qu’à préparer la transition énergétique ». Cité par l’AFP, Christophe Holleville, secrétaire de l’association « Union des victimes de Lubrizol », estime « qu’en additionnant les bilans de Lubrizol depuis cinq ans, on arrive à 361 millions de bénéfices ».
Rappelant qu’en Seine-Maritime était déjà en cours un plan de suppression de 647 postes dans la raffinerie Exxon Mobil de Port-Jérôme-sur-Seine, les parlementaires communistes en appellent donc à Matignon pour bloquer ces licenciements : « L’heure n’est pas à tirer précipitamment un trait sur près de 170 emplois en demandant au groupe d’engager des moyens financiers et humains à la hauteur des besoins d’accompagnement des salariés, mais bien d’engager I’intervention ferme de l’État, au plus haut niveau, pour exiger et obtenir l’annulation de ce plan de licenciements. »
Huit substances classées « cancérogènes et mutagènes »
La colère des élus est d’autant plus vive que le gigantesque incendie qui s’était déclaré dans le site rouennais le 26 septembre 2019, avait vu près de 10 000 tonnes de produits chimiques brûler dans l’usine classée Seveso. Bien que la combustion n’avait fait aucune victime, elle avait provoqué une flopée de toux, gêne respiratoire, irritation, mal de gorge, nausées et vomissements d’une partie de la population.
Un rapport de suivi de l’université de Rouen a mis en évidence la présence de huit substances classées « cancérogènes et mutagènes, perturbateurs endocriniens et/ou reprotoxiques, ou toxiques pour les organismes aquatiques » dans l’environnement « reliables uniquement à l’incendie ».
Par conséquent, dans une lettre ouverte publiée ce mercredi 5 février, trois associations de défense des victimes de l’incendie Lubrizol ont dénoncé le manque de transparence des autorités sanitaires -Santé Publique France et l’ARS Normandie-. De ce fait, les associations s’en remettent aux dirigeants du Centre Henri-Becquerel, spécialisé dans les cancers et du CHU de Rouen en Seine-Maritime pour « faire un focus sur la situation évolutive de certains cancers au lendemain de la Journée Mondiale du Cancer. »
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