Il avait toutes les qualités pour être ce souffle si prisé des impotents. Jeune, moderne, dynamique, ne dormant qu’une poignée d’heures la nuit par souci de productivité… Gabriel Attal était un bébé Macron et l’anti-Élisabeth Borne, son prédécesseur à Matignon. Jugée jusque dans ses rangs comme « lointaine », « austère » et même « robotique », comme nous le glisse encore aujourd’hui un macroniste de la première heure.
Son audience sur les réseaux sociaux devait être un atout (plus de 176 000 suiveurs sur TikTok, 304 000 sur Instagram). Tout comme sa capacité à se mettre en scène : de sa naissance par PMA, pour mieux soigner son vernis progressiste, à l’adoption de son chiot. Surtout, à l’approche des élections européennes du 9 juin, l’ancien ministre de l’Éducation devait être une « arme anti-Bardella », voire « anti-RN tout court », tel que l’assurait lors de sa nomination le député Renaissance des Hauts-de-Seine, Pierre Cazeneuve. Alors qu’il fête ses 100 jours comme plus jeune premier ministre de toute la Ve République, quel bilan en faire ?
La désespérance sociale comme boussole
« 100 jours ? Je pensais que ça faisait trois fois plus ! se désole Pierre Dharréville, député PCF des Bouches-du-Rhône. Attal poursuit la politique d’Élisabeth Borne, qui elle-même prolongeait celle de Jean Castex. Tous ont banalisé et alimenté le RN par leurs actions. C’est une politique de saccage de notre protection sociale, des services publics et du lien avec les Français que mène Gabriel Attal. »
En cause, en premier lieu, ses intentions de réformer l’assurance-chômage, dans lesquelles n’est pas exclue une baisse de la durée d’indemnisation comme des montants versés. Une « recette qui nous mène à la désespérance sociale et politique », pour le parlementaire communiste. Autrement dit : la recette du cocktail d’élévation de l’extrême droite.
Pour défier cette dernière malgré tout, Gabriel Attal a fait le choix de prendre la roue et de descendre sur son propre terrain. Quitte à lui donner des gages… Faisant, dès ses premiers jours, de « l’ordre » et la « sécurité » ses grandes priorités pour soigner une société qu’Emmanuel Macron et Gérald Darmanin ont respectivement décrite comme en cours de « décivilisation » et « d’ensauvagement ».
Un champ lexical cher à l’extrême droite. Déjà dans son discours de politique générale, le 30 janvier, le premier ministre a tenté de bomber le torse, dans la droite ligne macroniste : « Dès le plus jeune âge, il faut en revenir à un principe simple : “Tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies. Tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter !” »
Cet excès d’autorité, le premier ministre a également tenté de l’importer au Parlement, au grand dam de la représentation nationale. Notamment en installant un nouveau format des « questions au gouvernement » qui le conduit à répondre seul, chaque mercredi, aux députés, pour mieux se montrer comme capitaine de la nation. Une volonté de ne pas « se dérober », comme il l’a affirmé, bravache, qui ne l’empêche pas, dans le même temps, de contourner les parlementaires en évitant de soumettre à leur vote certains sujets capitaux (du plan d’économies budgétaires au traité de libre-échange avec le Canada).
Ce qui pousse un grand nombre de députés, y compris chez LR, à envisager la motion de censure. « Nous devons faire en sorte que le carnage social qui s’annonce dans ce pays ne puissent être mené », menace Mathilde Panot, cheffe de file des députés FI. Le début de la fin ?